Des objectifs CO2 "inacceptables socialement", des voitures chères : un nouveau combat pour les "gilets jaunes" ?
Après le carburant cher, nous dirigeons-nous vers des voitures chères ? Les constructeurs le craignent, dit l'ACEA, et l'Europe n'arrive du coup pas à se mettre d'accord. En cause, des objectifs de réduction des émissions de CO2 trop ambitieux. De quoi nourrir une future colère des "gilets jaunes" ?
On l'a vu, les hausses de taxes, rendant le carburant plus cher, sur fond de transition écologique, ont été le point de départ d'une mobilisation sans précédent en France, le mouvement des "gilets jaunes".
Qu'ils soient prévenus, il risque de se passer la même chose avec le prix des voitures. C'est ce que craint en tout cas l'Association des constructeurs automobiles européens, qui a à sa tête Carlos Tavares, président de PSA.
Dans un communiqué publié lundi soir, l'association s'inquiète : "les familles à bas et moyen revenu n'accepteront pas des standards de CO2 qui auront un impact négatif sur leur liberté de mobilité".
Le mouvement des gilets jaunes et son aversion pour toute augmentation du coût de la vie semble d'emblée, sans avoir à le consulter, pouvoir rejeter en effet des augmentations de prix des voitures.
Mais pourquoi cela arriverait-il ? Il faut savoir que le 10 octobre dernier, les représentants des pays européens (ministres de l'Économie ou de l'écologie, en l'occurrence François de Rugy représentait la France), réunis en Conseil européen, se sont mis d'accord pour une réduction de 20 % des émissions de CO2 des voitures neuves en 2025 et - 35 % pour 2030. Un consensus obtenu in-extremis. Mais la Commission européenne veut aller encore plus loin ! (- 40 % en 2030). Et du coup personne n'arrive à se mettre d'accord.
Quelle conséquence ? Pour les constructeurs, cela signifie, pour schématiser, investir énormément dans les énergies alternatives, et sortir (et vendre !) à marche forcée des véhicules électriques et hybrides rechargeables. D'autant que dès 2021, ils risquent d'énormes amendes pour non-respect des objectifs CO2 (estimées à 4,5 milliards d'euros par an pour toute l'industrie en l'état actuel des choses, les groupes Fiat, PSA et VW étant les plus impactés, le groupe Renault le moins).
"Les ambitions de réduction de CO2 risquent de rendre les voitures trop chères"
On le sait, ces véhicules coûtent, aujourd'hui, bien plus cher que les véhicules thermiques traditionnels. Le surcoût est en moyenne de 7 000 € pour un hybride rechargeable par rapport au thermique équivalent. Pour les électriques, si l'on ne compte pas le bonus écologique, on est facilement 10 000 € de surcoût. Et pour respecter ces objectifs, et les quotas de vente de voitures vertes qui y sont associés, ce sont ces véhicules qu'il faudra vendre uniquement, ou du moins en majorité...
Et Carlos Tavares d'enfoncer le clou : "Les objectifs proposés actuellement vont bien au-delà de ce qui est économiquement et socialement justifiable". Il prend en exemple justement le mouvement des gilets jaunes en France, mais aussi en Belgique. "La vitesse à laquelle le changement est conduit doit être soutenue par l'ensemble de la société, y compris par les moyens et faibles revenus". Pour lui "en pussant des réductions d'émissions de CO2 trop ambitieuses, l'Union Européenne risque de rendre les voitures trop chères pour les ménages aux moyens modestes".
Face à des autos financièrement inaccessibles, et un carburant cher, les gilets jaunes et leurs sympathisants risquent fort, en effet, de reprendre de plus belle du service. L'équation est donc difficile, on le constate. Mettre en œuvre la transition écologique est un objectif fort, louable, impératif même, mais il se trouve confronté à la dure réalité économique des automobilistes. S'ils ont refusé 7 centimes d'augmentation du litre de gazole, ils refuseront plus encore une voiture coûtant des milliers d'euros supplémentaires, quand viendra l'heure de renouveler.
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