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De quoi Carlos Ghosn est-il réellement coupable ?

Dans Economie / Politique / Personnalités

Jean Savary

Et revoilà Carlos Ghosn ! L’homme que les Français adorent détester. Je ne sais pas de quoi le bonhomme est coupable ou innocent – ou un peu des deux – et je ne veux pas en débattre ici. Ce dont je suis persuadé en revanche, c’est que ce n’est pas de la justice japonaise que serait venue la réponse.

De quoi Carlos Ghosn est-il réellement coupable ?

Qu’on ne me suspecte surtout pas de prendre le parti du bonhomme. D’abord, je n’ai pas attendu sa déchéance pour égratigner sa statue ici ou à une époque où pas même l’épaisseur de ses sourcils n’aurait su être critiquée.

Ensuite, comme beaucoup de journalistes auto, j’ai été témoin des dégâts que l’homme a faits chez Renault, tant sur le plan de la qualité du produit que des équipes ou de l’image de la marque. Et s’il a redressé Nissan, il lui a aussi fait dégringoler quelques marches dans les classements de fiabilité.

Ça ne m’empêche pas d’être médusé par le traitement que lui réservent la plupart des médias, depuis son arrestation jusqu’à sa conférence post-évasion.

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, la question n’est pas de savoir si l’ex-patron de l’alliance Renault-Nissan est un type bien, mais de savoir s’il a enfreint la loi.

Or, avant même que l’instruction ait été close, il semblait déjà condamné, tant au Japon qu’en France, tant par ses juges que par l’opinion. La présomption d’innocence ? Il ne semble pas en avoir le moins du monde bénéficié.

 

Traité comme un yakusa

Carlos Ghosn à sa sortie de prison le 6 mars 2019.
Carlos Ghosn à sa sortie de prison le 6 mars 2019.

 On souligne souvent qu’au moment de se faire la belle, l’homme était assigné à résidence, mais libre de ses mouvements. C’est un peu vite oublier le traitement d’exception qui fut le sien pendant les plus de trois mois qui ont suivi son arrestation : en prison à l’isolement, lumière allumée 24/24, sans contact avec l’extérieur, interrogatoires interminables, instruction purement à charge. Un traitement destiné à « faire craquer »,  digne d’un yakusa et qui n’a jamais été infligé à aucun grand patron japonais, même pour des faits bien plus graves.

Une prison qu’il risquait de retrouver au moindre écart, tentative de contact avec sa femme ou prise de parole. A sa place qui aurait attendu le retour à la case prison ? Rappelons qu’il y fut étrangement renvoyé pour trois semaines en avril 2019, à la veille de tenir… une conférence de presse.

 

Se faire la malle pour un bien

 C’est donc bien à une justice d’exception qu’était confronté Carlos Ghosn. Et à un procès qui devait autant sinon plus au règlement de comptes politique et à de grandes manœuvres capitalistiques qu’au châtiment des délits.

Qui peut affirmer que ses démêlés ne doivent rien aux tensions entre Renault et Nissan, entre gouvernements japonais et français ?

Qui peut nier qu’à travers sa personne, ce sont les projets de renforcement de l’alliance qui ont été ciblés, sinon par le parquet de Tokyo, du moins par l’état-major de Nissan ?

Dès lors, au nom de quoi lui reprocher de s’être soustrait à un traitement judiciaire que même ses avocats nippons jugeaient hors norme ?

Parce que, argument souvent invoqué, le Japon est une démocratie ? La belle affaire ! La Turquie aussi est une démocratie, la Russie également. Pourtant, il s'y pratique des embastillements et procès politiques que dénoncent régulièrement les bons apôtres qui aujourd’hui reprochent à Carlos Ghosn de s’être fait… la malle.

Une chose est sûre, maintenant qu’il est libre, la manifestation de la vérité va être quelque peu accélérée.

 Trop riche pour s’échapper ?

Je lis aussi dans la grande presse que c’est un peu trop facile, quand on a de l’argent et des relations, de s’éclipser. Magnifique reproche, bien de chez nous et frappé au coin de l’égalitarisme. A ce compte-là, si Bernard Tapie guérit de son cancer, lui reprochera-t-on d’avoir eu accès aux thérapies les plus coûteuses ?

Quant à sa conférence libanaise, le moment où il peut enfin présenter sa défense, elle a été décrite comme un show, un « plaidoyer pro domo », une « mise en scène », avec des « arguments alambiqués ».

Personnellement, je n’ai vu qu’un homme à un pupitre avec un micro défendre son honneur, avec de grands mouvements de bras, quelques maladresses et de solides arguments. Dont celui-ci : une bonne part de ce qui lui est reproché n’a pas été commis en secret mais avalisé par un conseil d’administration. Un conseil à sa botte ? N’y siégeait-il pas une personne désignée par l’Etat français ? Et depuis quand un patron salarié a-t-il tout pouvoir sur son conseil d’administration ?

Qu’attendait-on à Beyrouth ? Que le bonhomme batte sa coulpe ? Confesse son amour de l’argent ? Reconnaisse avoir - trop ? - largement profité des avantages que lui conféraient son pouvoir et sa position ? Qu’il admette s’être rendu antipathique et s’être comporté en imperator ? La plupart des patrons du CAC 40 pourraient passer les mêmes aveux.

 Quel bilan pour Renault ?

 Pour moi, s’il y a un procès à monter contre Carlos Ghosn, ce serait celui de ce qu’il a fait de Renault, depuis qu’il y est entré en tant que DGA et cost-killer en 1996.

De quoi Carlos Ghosn est-il réellement coupable ?

J’aimerais connaître sa part exacte de responsabilité dans le ratage historique de la Laguna 2, voiture finie à l’économie et lancée sans mise au point, qui a fait perdre des milliers d’euros à des dizaines de milliers d’acheteurs et sa réputation de fiabilité au Losange. Et aussi quelle pression il a exercée au niveau du SAV de la marque pour en faire cette machine à refuser les prises en charge ? Quelles instructions ont été données au département moteur pour que les Renault – et les Nissan par lui motorisées - deviennent trop souvent des voitures polluantes et fragiles ?

De quoi Carlos Ghosn est-il réellement coupable ?

De cela, il ne sera jamais question. Et quand il défend son bilan à la tête de l’Alliance, je ne me peux m’empêcher de regarder dans quelle position est aujourd’hui Renault : un constructeur rejeté par son partenaire japonais désormais plus puissant que lui, dont les ventes se sont circonscrites aux petits modèles et qui n’a plus de croissance ni de présence à l’étranger que par sa marque low cost Dacia. Les faits sont là : Renault était en meilleure posture à la veille de sauver Nissan qu’aujourd’hui.

 

Dans ce triste tableau, lui reprocher ses deux somptueuses fêtes versaillaises ou son comportement dictatorial est tout simplement dérisoire.

 

 

 

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