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Autoroutes-Combien va toucher Christophe Castaner à la tête d'ATMB et… SFTRF ?

Dans Economie / Politique / Budget

Stéphanie Fontaine , mis à jour

En prenant les commandes d'Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB), l'ancien ministre de l'Intérieur est aussi assuré de prendre celles de la Société française du Tunnel routier du Fréjus (SFTRF). C'en est ainsi depuis le début des années 2010. Quand cela doit-il se faire ? Pour quelle rémunération ? Quels avantages ? Caradisiac a notamment épluché les statuts et les comptes des deux sociétés concessionnaires d'autoroutes pour y voir plus clair.

Autoroutes-Combien va toucher Christophe Castaner à la tête d'ATMB et… SFTRF ?

Sans parler de Jean Castex, le tout nouveau PDG de la RATP, Jacqueline Gourault, entrée au Conseil constitutionnel en mars dernier ou encore Agnès Buzyn, désormais conseillère maître à la Cour des Comptes, tous les ex-ministres - ou presque – d’Emmanuel Macron qui ont échoué aux dernières législatives sont recasés.

Brigitte Bourguignon, accessoirement conseillère départementale du Pas-de-Calais et éphémère ministre de la Santé de ce second quinquennat, est inspectrice générale des affaires sociales, l’ancienne ministre de la Transition écologique, Amélie de Montchalin (et accessoirement aussi conseillère régionale d'Île-de-France) est ambassadrice auprès de l'OCDE, Emmanuelle Wargon (idem) préside la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Enfin, il y a Christophe Castaner…

L’ancien député et président du groupe LREM à l’Assemblée nationale vient d’être promu coup sur coup président du conseil d'administration d’Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB) et président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille (GPMM).

Si ce dernier poste est honorifique, sans rémunération à proprement parler, il n'en va pas de même pour la société concessionnaire d'autoroutes (SCA)… Et prochainement pour la Société française du Tunnel routier du Fréjus (SFTRF) !

Le fait du prince depuis belle lurette

Depuis 2012 – à l’époque il s’agissait de Hugues Hourdin nommé par Nicolas Sarkozy -, il est d'usage que le président du conseil d'administration d'ATMB soit aussi celui de la SFTRF.

La seule différence, c’est qu’à ATMB, il découle directement du fait du prince, soit d’un décret du président de la République portant nomination.

De manière emblématique, celui qui en a le plus longuement profité, c'est Édouard Balladur : 12 ans, jusqu'en 1980, à la tête d'ATMB, en plus du reste ! Il était alors conseiller technique à Matignon auprès de George Pompidou, avant d'en devenir son secrétaire général à l'Élysée en 1973.

Au sommet de la SFTRF, on y arrive de manière plus indirecte.

C’est son conseil d'administration (CA) qui nomme un président parmi ses membres.

En pratique, ce CA n'est pas des plus indépendants du pouvoir en place.

Sur ses 18 membres, il y a 6 représentants de l'État - comprenez qu’ils sont nommés par arrêtés ministériels. Et tous les autres le sont par l'assemblée générale, soit par les actionnaires.

Or, avec l'ATMB, la SFTRF est la seule société concessionnaire d'autoroutes (SCA) dans laquelle l'État est encore aujourd’hui l’actionnaire majoritaire.

Promu à la SFTRF d'ici mai 2023

Christophe Castaner doit donc en devenir administrateur avant d'être nommé président par son conseil d'administration.

Fait-il alors déjà partie du conseil d'administration de la Société française du Tunnel routier du Fréjus (SFTRF) ? Si le site Internet de la société concessionnaire est à jour, ce n’est pas encore le cas.

Quand devrait-il débarquer ? Mystère… Mais cela pourrait ne pas tarder. Il suffit d'une démission.

Selon les statuts de ladite société, le mandat du président - comme du reste des administrateurs - est théoriquement de 6 ans, contrairement à celui d'ATMB qui est de 5 ans.

Mais rien n'empêche un administrateur de quitter son siège. À commencer par l'actuel président du CA de la SFTRF, dont le mandat court jusqu'en mai 2023.

Qui est le prédécesseur de Christophe Castaner à ATMB et toujours président du conseil d'administration de la SFTRF ? Sa nomination, vue aussi comme un beau cadeau du chef de l’État de l'époque, n'est pas non plus passée inaperçue !

C'est seulement trois jours avant le second tour de la Présidentielle, le 4 mai 2017, que François Hollande a nommé son ex-ministre et élu PS Thierry Repentin à la tête d’Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB). S’ensuivait sa nomination à la SFTRF le 18 mai 2017.

Depuis son passage dans le gouvernement Ayrault, l’ancien sénateur Repentin ne cesse d'enchaîner, voire cumuler responsabilités par nomination et mandats locaux.

Délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat, président de la commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier de 2015 à 2017, il est aussi sur la période élu conseiller régional d'Auvergne-Rhône-Alpes jusqu'à l'été 2021.

Depuis 2020, il est aussi maire de Chambéry, vice-président du Grand Chambéry, président de l'Agence nationale de l’habitat (ANAH), en plus de présider la Commission nationale SRU.

Tout cela en plus de ses charges dans les deux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) publiques. Du moins jusqu'à l'arrivée de Christophe Castaner à ATMB le mois dernier.

Pour quels émoluments ?

Sa rémunération pour ses deux casquettes de président, dont « les frais imputables », est prise en charge pour moitié par chacune de ces SCA, dixit les documents internes aux deux sociétés.

Dans une interview donnée en 2017 au Dauphiné libéré, Thierry Repentin révèle que ses « indemnités (…) s’élèvent à 150 000 € bruts par an (75 000 € par société) ». Soit « 40 % de moins que [son] prédécesseur ».

Il ajoute au passage que c’est « sans commune mesure avec ceux pratiqués dans des sociétés de même taille dans le privé, avec le même niveau de responsabilité, y compris pénale ».

Il reste tout de même à rappeler que Monsieur Repentin, comme déjà évoqué, multiplie les mandats. Et si certains ne sont pas rémunérés (tout en donnant lieu à des défraiements), d’autres le sont bel et bien.

Si l’on en croit sa déclaration à la HATVP, en 2019 (dernière année pleine connue pour ATMB et SFTRF), sa rémunération - toutes activités rémunérées confondues - a atteint près de 200 000 euros bruts, dont plus de 134 000 euros nets par les autoroutes.

Les rémunérations déclarées début 2021 à la HATVP de Thierry Repentin pour ATMB et SFTRF
Les rémunérations déclarées début 2021 à la HATVP de Thierry Repentin pour ATMB et SFTRF

Dans le quotidien régional, il prend soin d'indiquer qu’il a décidé « de renoncer au logement de fonction et rompu le contrat de prestation du chauffeur. » Sans précision sur la société concernée…

Car il y a bien deux contrats, celui avec ATMB et celui avec la SFTRF, et donc potentiellement deux logements de fonction et deux contrats de prestation du chauffeur, voire trois, en comptant les avantages susceptibles d'accompagner ses fonctions à Paris.

Si le siège social d'ATMB a officiellement été transféré de la capitale à Bonneville en Haute-Savoie fin 2018, « dans le but d’affirmer l’ancrage local de la société », les bureaux de la présidence, les directions générale, administratives et financières « sont maintenues à Paris », dans le 15ème arrondissement (limite 7ème).

De fait, ce transfert « n’emporte pas de modification d’organisation », expose la société réunie en assemblée générale extraordinaire le 16 octobre 2018.

À notre demande de précisions, Thierry Repentin n'a pas répondu.

Et Caradisiac n'a pas rencontré plus de succès auprès de Christophe Castaner qui a lui aussi préféré gardé le silence.

5 400 €/mois pour Casta, le double bientôt

Dans un premier temps, l'ancien ministre de l'Intérieur est en tout cas assuré de toucher au minimum 65 000 euros nets annuels d'ATMB.

Soit 5 416 euros par mois, sans compter « les frais imputables » - et pris en charge par la SCA - liés à sa fonction.

Quel est son rôle en tant que président du conseil d'administration ? Selon les derniers statuts adoptés d'ATMB, il « organise et dirige les travaux du Conseil d'administration », lequel « détermine les orientations de l'activité de la Société », ainsi que « leur mise en œuvre ».

Et de tout cela, il « rend compte à l'Assemblée générale », autrement dit aux actionnaires, et donc en grande partie à l'État.

Dans un communiqué le jour de sa nomination le 18 novembre, Christophe Castaner a notamment insisté sur le « futur (...) sans barrière de péage avec l’arrivée du Free Flow à moyen terme ». Voilà apparemment l'une des orientations privilégiées à la SCA.

ATMB rappelle d'ailleurs dans sa communication officielle que le « Free Flow sera d’ici quelques années une réalité pour tous les autoroutiers français ». Autant de travaux qui seront mis à la charge des usagers et potentiellement, pour finir, de l'État.

Pour retirer les barrières sur les autoroutes A13 et A14, c'est déjà ce qu'il se passe.

En compensation de ces nouveaux investissements, est appliquée une hausse additionnelle par la SAPN sur les prix des péages de son réseau de 0,22 %, entre cette année et 2024.

Ce n'est pas tout : une indemnité lui sera aussi versée par l'État en fin de contrat. Tout simplement parce que les hausses aux péages ne suffiront pas et ces travaux ne seront pas « totalement amortis à la date d'expiration de la concession » !

Pour l'heure, sur le réseau ATMB, un seul portique en flux libre est en cours d'expérimentation sur l'autoroute A 40 au niveau du péage de Nangy.

Les plus fortes hausses aux péages sur ATMB et SFTRF en 2023

Christophe Castaner n'a pas dit un mot sinon sur les énormes travaux attendus à partir de 2023 dans le Tunnel du Mont-Blanc, afin de le désamianter et refaire la chaussée.

Selon France 3, il y a deux options sur la table : soit une fermeture quatre mois par an pendant 18 ans, soit trois à quatre ans de fermeture totale.

Ces travaux pourraient-ils conduire au dédoublement du tunnel, auquel les autorités françaises paraissent pour l'heure opposées (contrairement aux Italiens) ? Cela ne semble pas (encore ?) au programme.

Le Tunnel du Mont-Blanc est en effet en passe de rester le seul grand tunnel européen bidirectionnel après l'ouverture du deuxième tube du Tunnel du Fréjus, prévue désormais l’an prochain (initialement, c'était 2021) et la décision de doublement du Tunnel du Saint Gothard, en Suisse.

Christophe Castaner n'a pas non plus donné d'indication particulière sur les hausses tarifaires prévues pour 2023.

Elle ont été présentées ce 2 décembre au Comité des usagers du réseau routier national, et sans surprise, elle vont être salées !

L'augmentation moyenne sera de 4,75 %. Et les plus fortes flambées à prévoir sont attendues sur les réseaux… d'ATMB (+5,39 %) et de la SFTRF (+6,33 %) !

Tout le détail est à retrouver ici.

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