Annulation du Dakar : que s'est-il vraiment passé ?
Au lendemain de la décision prise par Amaury Sport Organisation d'annuler l'édition 2008 du Dakar, on est en droit de se demander ce qui a bien pu se passer en coulisses. En effet, si l'attentat perpétré en Mauritanie contre les cinq touristes français, coûtant la vie à quatre d'entre eux, avait jeté le trouble au sein du comité d'organisation du rally raid il y a quinze jours, la visite des dirigeants d'ASO au gouvernement mauritanien la semaine dernière s'était soldée par la décision du maintien des étapes prévues dans le pays. Roger Kalmanowitz, directeur de la sécurité et des relations extérieures du rally raid, estimait que le déploiement des 3 000 hommes promis par le ministre de l'Intérieur mauritanien était une garantie suffisante pour assurer la sécurité des participants lors du passage de la course en Mauritanie.
Alors pourquoi et comment la déclaration du ministre des affaires étrangères il y a deux jours a réussi à changer la donne au point de faire prendre une décision historique à l'ASO, préférant annuler purement et simplement cette 30ème édition Dakar ? Ce n'est pourtant pas la première fois que le rally fait face à des menaces terroristes. Ce n'est pas non plus la première fois que les organisateurs doivent adapter des étapes, voire en annuler certaines. Pourquoi donc cette fois-ci annuler la course ?
Interviewé juste après l'annonce officielle de l'annulation de la course hier midi, le directeur du Dakar Etienne Lavigne n'en dira malheureusement pas plus. « Le gouvernement français a invoqué la Raison d'Etat pour nous recommander formellement de ne pas donner le départ du Dakar. » explique-t-il. « La Raison d'Etat ça ne s'explique pas et ça ne se commente pas. (…) Le climat créé par le double événement (assassinat de Français et de militaires mauritaniens) a créé toutes les conditions qui ont sans doute laissé penser au gouvernement français qu'il est impossible d'aller en Mauritanie, ou ailleurs d'ailleurs ».
Ce n'est qu'hier soir que la véritable raison qui a poussé l'ASO à annuler l'édition 2008 est dévoilée. En réalité, de sérieuses menaces pèseraient sur le Dakar depuis mi-décembre, selon la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), menaces qui émaneraient de la branche sahélienne d'Al-Quaïda. L'interception de communications entre les membres de ce groupe terroriste aurait permis d'établir que des attentats en direction des participants du Dakar seraient en préparation. Toujours selon la DGSE, les terroristes seraient équipés de lance-missiles sol-air, et de lance rockets, ce qui leur permettrait d'attaquer et d'atteindre très facilement les membres du rally raid. Selon Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, les autorités mauritaniennes seraient au courant de ces menaces ainsi que des activités de cette branche d'Al Quaïda puisqu'elles ont subi à plusieurs reprises, au même titre que les autorités nigérienne et malienne, des attaques de garnisons, des vols d'arme très importants ainsi que des tentatives d'infiltration.
Il apparaît donc que ce n'est pas tant le passage du Dakar en Mauritanie qui posait problème, mais bien la totalité du parcours du rally. De son côté, le gouvernement mauritanien maintient ses déclarations et regrette la décision prise, attestant que son territoire ne fait l'objet d'aucune menace sécuritaire particulière. Se pose alors maintenant la question de savoir si cette annulation n'est pas, au fond, une victoire du terrorisme. « Tristement, oui » a répondu Etienne Lavigne.
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