Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Pierre Boulanger, grand patron de Citroën, dit à ses ingénieurs : « Étudiez tout, même ce qui est déraisonnable. » Trois hommes le prennent au mot : Alain Lefebvre, jeune chef du bureau d’études, Flaminio Bertoni, le génial styliste maison, à qui l’on doit la Traction Avant et la 2 CV, et enfin Paul Magès, un expert en hydraulique. Sous le nom de code VGD (Voiture de Grande Diffusion), les études commencent. Mais la guerre pointe, le projet est mis sous cloche. Il en ressort dès 1945, les études reprennent de plus belle. En 1950, Pierre Boulanger s’étant tué au volant de sa Traction Avant. Pierre Barcot lui succède et poursuit ardemment le projet. Pourtant, la DS ne sera présentée qu’au Salon de Paris 1955.
Les rumeurs les plus folles couraient depuis déjà plusieurs mois sur le futur modèle Citroën. Mais personne encore n’avait pu le voir, ne serait-ce qu’une photo, avant l’inauguration du Salon. Ce jour-là, le public reste médusé ! Autour du stand Citroën, c’est l’émeute. Semblant tombée de l’espace, surnommée la « soucoupe roulante », la DS est sans nul doute la voiture qui, dans toute l’histoire de l’automobile, aura apporté le plus grand nombre d’innovations, tant stylistiques que technologiques. Chez elle, tout est inédit : son fuselage, si aérodynamique, son habitacle, si spacieux, et, bien entendu, ses déjà célèbres et révolutionnaires suspensions hydropneumatiques ! Elles lui procurent un confort de conduite jusqu’alors inconnu, au point que Rolls-Royce himself va adopter sans tarder une technique similaire.
La « bombe DS » est lâchée et, au soir de la première journée du Salon, Citroën a déjà enregistré… 12 000 commandes fermes. Du jamais vu ! Au début, pourtant, la DS subit quelques aléas. Le plus ennuyeux concerne la destruction prématurée des joints, due au liquide rouge utilisé dans le circuit hydraulique (le LHS), qui s’oxydait dès 40 degrés. Début 1957, les chimistes de Citroën résolvent définitivement le problème. Durant son règne, la DS reçoit bien sûr différentes motorisations, et différents types de carrosseries. Les moteurs passeront de 1,9 litre (DS 19) à 2,0 litres (DS 20), à 2,1 litres (DS 21) à 2,3 litres (DS 23) et, enfin, à 2,3 litres à injection, le moteur le plus puissant de la gamme (130 ch). Mais le plus étonnant concerne les innombrables innovations qui n’ont cessé de parsemer son chemin : volant à branche unique, pédale de frein champignon, freins à disques à l’avant, pare-brise bombé…
Un peu moins sophistiquée, moins moderne, mais plus abordable, la Citroën ID 19 apparut en 1957. Sa direction et son freinage n’étaient pas assistés, mais elle bénéficiait tout de même de la suspension hydraulique. Jusqu’en 1970, l’ID sera déclinée en trois versions, ID Normale, Luxe et Confort. Pourtant, et malgré son prix, c’est bien la DS qui continua d’enflammer le public, et certains professionnels, comme, par exemple, les chauffeurs de taxi, ainsi que les sociétés d’ambulances, dont les ID et les DS breaks monopolisaient les parcs.
Mais ses grandes heures de gloire, la DS les doit d’abord à l’un de ses plus grands fans, un certain Charles de Gaulle, qui va en faire, dès 1958 et son retour au pouvoir, la voiture officielle de la République. De la cour de l’Elysée à celles des ministères, jusqu’au cœur de tous les cortèges, on ne voit que des DS… noires ! Devenue une icône, ce symbole de la France des années 60 achèvera sa fabuleuse épopée en 1975, à l’âge de 20 ans. Celle qui lui succède est la Citroën CX qui, on le sait, aura infiniment moins de succès.
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