Volkswagen et Stellantis, les Calimero de l'auto
"C'est trop injuste" clamait le petit canard au chapeau en forme de coquille d'œuf. Les constructeurs occidentaux, VW et Stellantis en tête, ont la fâcheuse tendance à en dire autant, accusant la voiture électrique, les politiques et les constructeurs chinois d'être à l'origine de tous leurs maux. Et si les vrais coupables n'étaient qu'eux-mêmes ?
Byd : le diable en personne pour les constructeurs automobiles occidentaux. Crédit photo :ALEX PLAVEVSKI/EPA/MaxPPP
C’est une énergie bien pratique. Et pas seulement parce qu’elle n’émet pas de C02 en roulant. La fée électricité a non seulement des vertus environnementales, mais elle sert, en outre, de bouc émissaire parfait pour permettre toutes les erreurs stratégiques de l’industrie automobile depuis des années, en mode « c’est trop injuste ».
La batterie a le dos large, mais elle n'est pas la seule. Les groupes automobiles qui, en cette année 2024, se retrouvent dans la mouise à différents degrés, nous expliquent qu’il y a trois coupables à leurs ventes en berne, à leurs pertes de chiffre d’affaires et aux conséquences sociales qui vont en découler : la voiture électrique, donc, mais aussi son vieux complice : la Chine, ce méchant de l’histoire, et les pouvoirs publics qui après avoir forcé la main des marques, manquent aujourd'hui de stabilité et n'ont pas mesuré l'impact de leurs décisions. Et tout ce qui arrive à nos bons vieux constructeurs est « vraiment trop injuste ».
Un historique retard à l'allumage
Et pourtant. En reprenant le fil de l’histoire de ces dernières décennies, on ne peut que constater une accumulation de bourdes et de retard à l’allumage occidental. Il aura ainsi fallu attendre le dieselgate en 2015 pour que l’Europe, comme les États-Unis, sorte de leur zone de confort thermique, si pratique, et si rentable avec son système de moteur à explosion plus que centenaire, et une clientèle savamment entretenue dans le fantasme du bon gros bloc qui fume.
Il aura fallu ce scandale mondial, et des injonctions légales de Bruxelles, pour qu’enfin la R&D des marques se penche sur l’électrique, et travaillent sur une énergie pourtant connue dans l’automobile depuis plus d’un siècle et totalement laissée de côté.
Un réveil, et un coup de semonce qui n’a pas été nécessaire aux Chinois qui travaillaient sur les autos à batterie depuis dix ans déjà, accumulant une avance qui s’est avérée fatale pour les marques occidentales.
Le retard pris par les groupes traditionnels, dont Volkswagen et Stellantis, n’est donc imputable qu’à ce bon vieux défaut, cette procrastination d’autant plus confortable qu’elle a généré des revenus sans trop innover. D'autant que les Occidentaux savaient que les marques chinoises travaillaient, elles savaient que Byd et consorts avançaient leurs pions et allaient leur damer le leur. Mais ils se sont bercé d'illusion en attendant le déluge et vécu dans le mirage que l’on appelait le « pricing power » à la sortie du Covid.
Comment gagner de l’argent facilement et faire croire aux marchés que tout va bien ? En augmentant le prix des autos pardi, et en "premiumisant" à tout va. Ce qui fut fait dès 2020. Tous les acheteurs ne peuvent supporter une hausse des tarifs de 30% ? Pas grave si les ventes baissent un peu : les marges augmentent quand même.
Une politique qui a trouvé ses limites logiques l’an passé, lorsque le marché s'est asséché et que la guerre des prix a commencé, lorsque du côté de Tesla et des Chinois (encore eux) les tarifs ont baissé. Mais les ventes n’ont pas augmenté pour autant. À force de tirer sur la corde, les consommateurs se sont sentis floués, par des prix trop longtemps délirants, par des politiques de réduction des coûts et leurs conséquences chez Stellantis, par des problèmes de fiabilité des logiciels chez VW.
La sélection naturelle en marche ?
Aujourd’hui le piège se referme. Au printemps, Stellantis, englué dans ses soucis d’imprévoyance américaine et du syndrome Boeing dont il souffre en raison de ses moteurs Puretech et de ses aitrbags Takata, a enregistré la plus forte baisse du CAC 40. Volkswagen quant à lui, vient d’annoncer que la fermeture de deux sites allemands est désormais sur la table.
Est-ce « vraiment trop injuste » ? Est-ce vraiment la faute aux méchants Chinois, aux politiques fluctuants et aux vilaines voitures électriques ? À moins que la situation actuelle de l’automobile occidentale ne soit plutôt imputable à des énormes machines, des groupes centenaires incapables de changer leur logiciel de pensée.
Carlos Tavares évoque souvent le « darwinisme » en marche dans l’automobile, manière de dire que les entreprises de la filière qui n’évoluent pas vont disparaître. Il ne reste plus qu’à espérer que son groupe comme ceux de ses confrères occidentaux ne fasse pas partie de cette sélection pas si naturelle.
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