Vers une France automobile à deux vitesses
L'automobile coûte de plus en plus cher, tant à l'achat que dans la vie quotidienne où elle est absolument indispensable aux Français. Pour ceux qui n'ont pas les moyens de suivre financièrement se met progressivement en place une économie de la débrouille.
Le succès de l’offre de leasing social, l’électrification progressive du parc automobile et les énormes profits enregistrés par les constructeurs l’an dernier (dont on ne peut que se féliciter) ne peuvent hélas masquer une autre réalité, qui est celle d’une forme de fracture entre les automobilistes. « Le discours politique et médiatique se concentre sur le véhicule électrique, mais la réalité en est très loin. Un système D s’est mis en place, sous les radars. Des mondes parallèles coexistent. D’un côté, Tesla et compagnie ; de l’autre ceux qui doivent continuer à vivre en étant dépendant de leur voiture, avec un budget contraint. Ces automobilistes-là ne sont pas du tout sur le véhicule électrique mais sur le maintien en condition opérationnelle de leur vieille bagnole », observait mardi dans les colonnes du Parisien/Aujourd’hui en France Jerôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP.
De nombreux chiffres confirment ces dires. Une étude Roole/IFOP publiée cette semaine souligne ainsi que 79% des Français dépendent de leur voiture pour les tâches de la vie quotidienne (faire ses courses, aller chercher les enfants à l’école, etc.), et que ce phénomène est particulièrement marqué en zone rurale. La voiture, c’est tout simplement la vie.
Parc vieillissant et tarifs grimpants
Seulement voilà, celle-ci coûte de plus en plus cher et le fossé se creuse entre ceux « qui ont les moyens » et les autres, dans un contexte où les prix des voitures neuves ont augmenté de 20% entre 2018 et 2022, pour atteindre un prix moyen de 31 300 €, ainsi que le souligne une étude C-Ways dont Caradisiac s’est largement fait l’écho. Si ces tarifs très élevés - et donc ces marges - font les affaires des constructeurs, ils participent aussi du vieillissement du parc automobile. L’âge moyen des voitures en France s’établit à 10,8 ans (et même 12,5 ans si l’on considère les seuls modèles soumis au contrôle technique), et les coûts de maintenance s’envolent. Selon le SRA (Sécurité et réparations automobiles), émanation des compagnies d’assurance, les frais de réparations ont crû de 7% en moyenne en 2023. Sur la même période, le panier de pièces de rechange a pris 9,5%. Le carburant s’envole à nouveau, avec +10% en un mois, les péages vont encore connaître 3% de hausse cette année, et l’assurance auto a enregistré en 2023 une hausse de 3,3% en moyenne (chiffres Assurland). Sur ce dernier point, grande peut d’ailleurs être la tentation de se passer d’un assurance : selon les pouvoirs publics, 800 000 français rouleraient ainsi sans l’assurance obligatoire !
Dans ces conditions, quelles possibilités reste-t-il aux automobilistes ? Pour ceux qui veulent rouler avec des modèles récents, il y a la solution de la location longue, avec ou sans option d’achat. Cette formule a représenté 53% des financements de voitures neuves l’an dernier, surclassant le bon vieux crédit qui conserve pourtant de nombreux atouts, au premier rang desquels un coût final moins élevé. Mais les mensualités souvent plus raisonnables des formules locatives leur permettent d’emporter le morceau.
Economie de la débrouille
Pour les autres, ultra-majoritaires, se met souvent en place une « économie de la débrouille » consistant à utiliser leur monture en dépensant le moins possible. Selon l’étude Ifop/Roole évoquée plus haut, cela consiste à viser les stations les moins chères pour faire son plein de carburant, quitte à faire quelques kilomètres en plus (49% des répondants), limiter ses déplacements (39%), éviter de prendre l’autoroute (35%), ou revoir ses contrats (assurance, notamment) à la baisse (17%). Autres pistes, le covoiturage, envisagé par 31% des répondants, et même le colis-voiturage, consistant à profiter d’un trajet pour transporter des biens pour autrui de façon à alléger ses propres coûts de transport. De même, 29% des Français envisagent de passer au bioéthanol (ou le font déjà), 64% visent des pièces de rechange d’occasion, et 55% sont prêts à entretenir eux-mêmes leur voiture. Bien que louable, l’électrification du parc automobile et le cortège de mesures qui l’accompagnent (les ZFE, entre autres) forment progressivement une barrière entre automobilistes, une « France à deux vitesses » dont on voit assez mal comment elle pourrait être résorbée dans les années à venir.
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