Les jeux vidéo, nouveaux partenaires des constructeurs automobiles
On sait que les constructeurs utilisent les jeux vidéo comme lieux de promotion et d’image pour mettre en avant leurs voitures. Mais on sait moins comment l’industrie du jeu vidéo peut venir les aider pour le développement, la production ou la vente de leurs voitures.
Depuis quelques années, nombre de constructeurs automobiles se sont tournés vers les éditeurs de jeux vidéos pour utiliser leurs incroyables capacités de simulation ultra-réaliste et les appliquer dans divers domaines, de la recherche et développement au design, en passant par la communication ou les démonstrateurs virtuels pour les clients finaux. Parmi les spécialistes du jeu vidéo en question, l’un d’entre eux se détache du lot avec le développement d’outils spécifiques dédiés à l’industrie automobile : il s’agit de Epic Games (l’éditeur du fameux jeu Fornite), avec le système de création 3D ultra-réaliste Unreal Engine. Un outil technologique magique qui a séduit de nombreux constructeurs comme BMW, Audi, Volkswagen, Porsche, Daimler, Chevrolet, Honda, Toyota ou McLaren.
Ainsi, un outil spécifique permet-il de réaliser des visualisations 3D d’une future auto avec divers types de reflets sur sa carrosserie en un temps record. Cela permet aussi de penser plus efficacement à des stades bien plus précoces les aspects ergonomiques d’une future auto. Par exemple, Toyota utilise ces outils de simulation 3D pour de nombreux tests d’ergonomie, comme pour améliorer la visibilité de trois quarts arrière sur un futur véhicule, mettant en place la présence de centaines de silhouettes différentes d’usagers de la route apparaissant au travers de la fenêtre. Daimler travaille à la structure et la fonctionnalité de planches de bord de manière entièrement virtuelle grâce à de tels outils, s’épargnant la construction de coûteux prototypes de développement préparatoire.
La même auto est parfaitement intégrée dans son décor virtuel, prenant les reflets de son environnement… tout aussi virtuel.
Les constructeurs français ne sont pas en reste. Chez PSA, depuis des années, le UXCT (User eXperience Cockpit Team – l’équipe de développement de l’expérience utilisateur à bord) emploie des spécialistes venus du monde des jeux vidéo pour s’assurer de réaliser des simulations hyperréalistes. Chez Renault, dès 2013, on se targuait d’avoir le simulateur de conduite 3D interactif le plus réaliste du monde, installé au Technocentre, près de Paris. Du côté de son équipe de Formule 1, le constructeur ouvre des ponts avec son équipe de Esports Series, Vitality, utilisant les sommes immenses de données récoltées sur les grands prix virtuels ultra-réalistes pour nourrir le développement de ses « vrais » bolides du monde réel…
Autre application, une usine complète peut être simulée comme un jeu vidéo, un peu comme quand on y construit une ville, de manière à en optimiser chaque poste et opération. C’est une solution que BMW utilise pour mettre au point de futures chaînes de production.
Plonger l’acheteur au volant de sa future voiture
Une des applications de cette collaboration entre les rois du virtuel et BMW est aussi visible pour le public : il s’agit de configurateurs permettant des tours du propriétaire ou même des galops d’essais virtuels proposés aux acheteurs potentiels au sein des concessions. Cette expérience émotionnelle équipe plus de 2 400 points de vente du réseau de la marque bavaroise dans le monde, pour une visualisation parfaite du modèle configuré, sur un écran ou au moyen d’un casque de réalité virtuelle, plus immersif. Les couleurs et matériaux peuvent être changés à volonté et on peut ouvrir les portes, regarder sous le capot ou abaisser la capote d’un cabriolet.
Audi utilise également les services de Unreal Engine pour cela, après avoir testé quelques années ce type de solution avec un petit producteur de jeux vidéo britannique. Cela permet facilement d’obtenir une image tout à fait réaliste en un instant, selon les desiderata du client, au fur et à mesure des configurations qu’il choisit. Plus de 1 000 points de vente de la marque sont équipés de ce système désormais.
Des applications sans limites
Au-delà du développement et des applications destinées aux clients, ces mêmes technologies sont également utilisées dans d’autres cadres. Ainsi, lors de salons comme le CES de Las Vegas en 2019, était-il possible pour le public de réaliser un essai virtuel du concept-car BMW Vision iNext. Les journalistes que nous sommes ont pu aussi en voir les effets lors de présentations digitales virtuelles comme celle de la iX et la Mini Vision Urbanaut, en pleine crise Covid. Là, tout un univers a été recréé pour agrémenter la présentation dans différents environnements traités avec un grand réalisme. Normal, ces mêmes effets sont utilisés désormais dans certaines productions hollywoodiennes.
La publicité emploie aussi massivement ce type de technologies, qui permettent des productions bien plus flexibles et adaptables en fonction des publics, événements au sein desquels elles sont diffusées, etc. avec des véhicules entièrement représentés en images de synthèse ultra-réalistes.
Enfin, les interfaces homme-machine (tout ce qui est sur les écrans de bord en l’occurrence) peuvent aussi être développées avec l’aide des outils, ce sera le cas pour le prochain Hummer électrique.
Un outil pour la sécurité aussi
Le développement des aides à la conduite mène les constructeurs à observer de plus en plus près les réactions des conducteurs, de manière à pouvoir mieux les accompagner. Volvo, particulièrement actif pour les questions de sécurité, a mis au point un ensemble de solutions uniques en son genre. Ainsi la marque suédoise (groupe Geely) utilise la solution de simulateur 3D de Unity Technologies pour intégrer en réalité mixte dans le champ de vision du conducteur nombre de situations trop dangereuses pour les créer réellement. Par exemple, un matelas qui se décrocherait du toit de la voiture devant…
Les ingénieurs de développement de la marque ont mis au point un ensemble de solutions pour créer ce type de situation et observer au plus près les réactions du conducteur, dans un simulateur de conduite combinant virtuel et réel : les tests se font au volant d’un vrai véhicule roulant sur une piste d’essai, casque de réalité mixte (Varjo XR-1) devant les yeux du conducteur… Ainsi peut-il avoir les réactions les plus réalistes lorsqu’un événement est simulé.
Les réactions physiques du conducteur (muscles, niveau de stress et fréquence cardiaque) sont observées via une combinaison intégrale de chez Teslasuit. Mais elle peut aussi imprimer une action haptique à la personne qui la porte, au moyen de pressions, de vibrations ou de mouvements, dans une technologie de retour d’effort. Cela permet aux testeurs de Volvo de ressentir des sensations similaires à celles vécues dans un accident de voiture, mais bien entendu dans une version atténuée et sans courir de risque. Voilà un excellent outil pour améliorer les aides à la conduite et, au final, la conduite autonome qui, elle aussi, peut être simulée dans un environnement parfaitement réaliste. Ainsi, le logiciel américain de développement contributif pour la conduite autonome, Carla, utilise-t-il la technologie Unreal Engine pour permettre une simulation des plus réalistes. C’est aussi le cas des chercheurs de l’université de Warwick en Grande-Bretagne, qui mixent dans leurs tests de conduite autonome un véhicule physique dans un environnement virtuel permis par l’immense capacité de calcul de tels logiciels.
Bilan
Quel joli retournement de situation : les jeux vidéo ont passé des décennies à tenter d’imiter au mieux la réalité dans des jeux de voiture de plus en plus incroyablement sophistiqués. Voilà que ce sont les constructeurs eux-mêmes qui font appel à ces talents pour, à leur tour, bénéficier de tels effets réalistes pour différentes simulations dans le développement de leurs futures autos. La boucle est bouclée !
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