Le V6 PRV fête ses 50 ans, et il vaut mieux que sa réputation !
Décrié, voire méprisé, le V6 PRV a pourtant équipé énormément de voitures différentes. Produit à près d’un million d’unités, il durera près de 25 ans et se fraiera même son chemin dans une supercar…
PRV. Peugeot, Renault, Volvo. Même si cette appellation suggère le contraire, le V6 PRV est français. C’est même le premier 6-cylindres en V conçu dans l’Hexagone, le maître d’œuvre en étant Peugeot. Avec Renault, le constructeur sochalien a besoin d’un gros moteur, afin de se doter d’un haut de gamme à-même de contrer la Citroën DS 21.
Quand les études débutent, en 1969, les deux blasons tricolores ne peuvent lui opposer leurs 504 et R16, limitées en cylindrée, en taille et en puissance. Cette année-là, Renault a d’ailleurs développé un prototype de grande berline qui ne sera jamais produite, arborant sous son capot un V8. Ce type de moteur entre dans le projet que les deux marques lancent, et qui devra déboucher sur deux blocs, un V8 et un V6, produits dans leur future usine de Douvrin.
On fait le choix d’une certaine sophistication en retenant une fabrication exclusivement en alliage léger, et en prévoyant un arbre à cames en tête par rangée de cylindrée. On prend comme base de départ le 8-cylindres, duquel on dérivera le 6-cylindres, l’inverse étant bien plus difficile à faire, comme Jaguar le constate presque simultanément à ses dépens. Dès 1971, Volvo, avec lequel Peugeot entretient de bonnes relations, entre dans la partie, à tel point que l’on crée une société spécifique codétenue à parts égales par les trois blasons.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’apport du suédois qui entre en cours de route n’est pas que financier : Volvo aura pour mission de développer plus spécifiquement le V8 ainsi que la dépollution (marché US oblige) des moteurs. Pour sa part, Renault occupe surtout une place d’observateur.
Globalement, l’entente à trois se passe bien, même si Volvo ne comprend pas l’entêtement de Peugeot à utiliser une alimentation par carburateur. Surtout que le français s’est fait une image avec sa 404 à injection ! En effet, le V6, qui doit être le premier à entrer en scène, dérive du V8, donc s’ouvre à 90° et se contente d’un vilebrequin sans manetons décalés, pour des raisons de coût, ce qui empêche de le doter d’un allumage régulier.
L’injection permet de compenser les vibrations induites par cette particularité, et pourtant ! Peugeot préférera utiliser un lourd volant-moteur pour les amortir. Un cas qui n’est pas unique : Maserati a procédé de même pour le V6 acyclique équipant sa Merak ainsi que la Citroën SM.
Les premières voitures dotées du PRV, d’une cylindrée de 2 664 cm3, sont présentées en septembre 1974 : les Peugeot 504 CC et Volvo 264. Conséquence du désaccord sur l’alimentation, la première reçoit des carbus (un simple corps et un double corps), alors que la deuxième bénéficie de l’injection mécanique K-Jetronic tout juste conçue par Bosch. Sa puissance est donc plus élevée : 140 ch, contre 136 ch à la française.
En 1975, les Peugeot 604 et Renault 30 accueillent à leur tour le PRV, dans sa version à carburateurs. Et les critiques fusent. En effet, ce bloc vibre au ralenti, manque d’entrain à prendre des tours (à cause de son volant-moteur) et surtout, il consomme beaucoup ! En pleine crise pétrolière, cela fait tache…
A tel point que le développement du V8, qui n’intéressait réellement plus que Volvo, très présent aux USA, est abandonné. Dès 1977, Peugeot et Renault installent enfin l’injection Bosch K-Jetronic sur leur PRV, de sorte que les 604 TI et R30 TX développent 144 ch, donc gagnent en performances, tout en voyant leur consommation baisser notablement. Elles bénéficient donc du bloc arrivé à maturité qu’elles auraient dû recevoir dès le début. Mais le mal est fait : ce moteur pâtit d’une mauvaise réputation, qui nuit notoirement à la carrière des modèles qu’il équipe.
Pourtant, compact (44 cm de long), bas grâce à sa grande ouverture, plutôt léger et surtout très fiable désormais (il a tout de même connu quelques soucis sous le capot des 504), ce V6 comporte bien des qualités. Toutefois, son développement ralentira nettement ensuite. Si l’Alpine A310 V6 en reçoit une variante boostée à 150 ch en 1977 (mais à carbus), il faut attendre 1980 pour voir arriver son évolution à 2 849 cm3 dans la Volvo 264, en 129 ch (carbus) et 155 ch (injection).
Ce nouveau PRV arrive en 1983 dans la Peugeot 604 GTI qui, avec son différentiel à glissement limité, devient une excellente grande routière. Un peu tard… Ses qualités valent au PRV d’intéresser d’autres constructeurs, comme Delorean qui en installe la variante 2,8 l dans sa DMC12 dès 1981 et Lancia, qui en équipe sa Thema 6V dès 1984.
Et Renault ? La R30 n’aura pas droit au 2,8 l. Mais c’est reculer pour mieux sauter. En effet, la Régie installe le PRV 2,8 l boosté à 160 ch dans son Alpine V6 GT dès 1984, puis développe une version à manetons décalés du PRV, pour qu’il tourne enfin rond. Simultanément, elle le dote d’un turbo, et le tout apparaît en 1985 dans l’Alpine V6 Turbo (200 ch), et la R25 V6 Turbo (182 ch).
Chez Peugeot, on ne reste pas inactif, puisqu’on travaille à une variante 2,8 l du PRV, dotée de manetons décalés, qui sort fin 1986 dans la 505 V6. Développant 160 ch, le V6 rend la berline sochalienne, certes vieillissante, diablement agréable, puis se retrouve dans la R25 V6 en 1987, juste avant son restylage.
Peugeot continue de battre le fer pendant qu’il est chaud et prépare un PRV modernisé, qui apparaît en 1989, d’abord dans la Citroën XM V6 puis juste après dans la 605. Ce 2 975 cm3 de 170 ch anime dignement ces deux grandes routières, puis pour 1990, se dote de magnifiques culasses à 4 soupapes par cylindre. Produisant 200 ch, il fait des 605 SV24 et XM V6.24 de grandes berlines très rapides, passant les 230 km/h !
Et pourtant, ce n’est pas chez Peugeot et Renault que le PRV est le plus puissant. En effet, MVS en installe une variante suralimentée de 260 ch dans sa ravageuse Venturi SPC dès 1989 ! Renault récupère le 3,0 l atmo pour sa Safrane dès 1992, puis en 1993, dégaine sa sulfureuse Safrane Biturbo. Le préparateur allemand Hartge a conçu rien que pour elle une version à deux turbos du PRV, qui développe dès lors 268 ch !
Mais Venturi fera plus fort encore, poussant le V6 à 281 ch dans sa 300 Atlantique en 1994 puis à 408 ch dans sa très exclusive 400 GT la même année. 15 unités seulement seront produites, mais que le PRV propulse une supercar à 300 km/h était totalement inimaginable lors de son apparition en 1974 ! Pour l’anecdote, une autre marque, très réputé pour son fabuleux V6, utilisera le PRV en 1996 : Alfa Romeo.
Le blason milanais le retient en effet pour sa 155 DTM de course, où, largement modifié, il produit 480 ch… L’apparition du V6 ESL en 1996 sonne le glas du PRV, dont la production s’interrompt en 1998 alors qu’il équipait encore les Safrane et Espace. Quelque 970 315 unités de ce V6 controversé ont été fabriquées. Pas si mal !
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