La route des vacances en Renault 5 électrique, une folie? (test Caradisiac)
Pierre-Olivier Marie , mis à jour
Pour nombre d'entre nous, la simple de idée partir en vacances sur autoroute en citadine électrique constitue une véritable hérésie. Mais est-ce si difficile? Pour en avoir le coeur net, Caradisiac a passé ce premier grand week-end de départs au volant d'une petite Renault 5, soit 1 600 km qui permettent tant de tester l'auto que l'infrastructure de recharge.

On connaît le refrain : les citadines électriques ne sont pas adaptées à la route avec leur petite batterie, gnagnagna, etc. Pour autant, qui investit une somme rondelette dans son véhicule est en droit d’en attendre une véritable polyvalence d’usage. En ce premier grand week-end de départ en vacances, classé rouge dans le sens des départs, Caradisiac a parcouru 1600 km sur les routes et autoroutes de France avec une Renault 5 électrique. L’opération avait deux buts : il s’agissait bien sûr de jauger des qualités de la R5 au plus près des conditions de la vie réelle, mais aussi et surtout de voir si l’offre en matière de recharge électrique était suffisamment étoffée pour éviter des situations pénibles, avec des automobilistes à bout de nerfs dans une file ininterrompue de voitures électriques qui attendent désespérément en plein soleil que des bornes se libèrent…
Trajet 1, le samedi 5 juillet : des Yvelines (78) à Chablis (89), sur l’A6 (240 km). Cap au sud. En ce samedi 5 juillet, il s’est agi de rallier la Bourgogne au départ de l’Ile-de-France en empruntant la redoutable A6, axe qui symbolise à lui seul la route des vacances. Si ce trajet ne nécessite pas d’arrêt recharge quand on prend le soin de partir avec une batterie à 100% (partir avec une batterie pleine constitue une sorte de prérequis quand on voyage en électrique, de façon à ne pas rallonger le temps de trajet), il s’agissait aussi de nous arrêter à chaque station de façon à voir si les bornes étaient prises d’assaut, et le cas échéant d’interroger d’éventuels électromobilistes mécontents de leur expérience.
Or, il faut croire que Bison Fûté ne l’était pas tant que ça dans la mesure où le trafic s’est montré globalement fluide, même en région parisienne, et ce sans partir aux aurores de façon à augmenter les chances de nous retrouver englués dans le flux de vacanciers. Des Yvelines à Chablis, aucune des stations haute puissance placées sur notre chemin n’était en surchauffe, des bornes étaient libres partout.


A cela s’ajoute la carte Mobilize mis à notre disposition pour test par Renault, laquelle permet d’accéder, moyennant un abonnement à 5,99 € par mois, aux réseaux Ionity et Mobilize fast charge au tarif préférentiel de 0,35 €/kWh (contre 0,59€ par kWh hors abonnement chez Ionity).
Mobilize privilégie des bornes rapides situées à quelques kilomètres des sorties d’autoroute, qui sont nombreuses. Cela a pour vertu principale d’éviter les éventuelles thromboses aux bornes de stations-services, et pour vertu secondaire de vous mener à des zones qui peuvent gagner à être connues.

Après cette pause verdoyante, un crochet par Chablis à une quinzaine de kilomètres et un retour à Paris permettront de boucler cette première journée, au terme de laquelle la voiture aura consommé 18,4 kWh/100 km (dont 0,7 kWh utilisés pour alimenter la climatisation sur 492 km), sans éco-conduite d’aucune sorte et aux 130 km/h réglementaires. Une valeur des plus honorables, obtenue il est vrai seul à bord dans des conditions optimales avec une température de l’ordre de 25° et un léger vent de dos à l’aller. Avec une batterie de 52 kWh, cela signifie que l’autonomie peut atteindre 230 à 250 km avant de recharger (voire un peu plus si vous êtes optimiste…), opération qui durera entre 30 et 35 minutes en fonction du débit offert par la borne rapide sur laquelle vous vous brancherez.

Précisons que les bornes rapides ne sont pas rares sur le territoire : au dernier pointage mensuel de l’Avere-France, on en dénombrait 18 629 délivrant une puissance supérieure ou égale à 150 kW. Celles-ci représentent donc 11% de l’offre publique qui compte 169 106 points de charge, chiffre en hausse de 27% sur 12 mois. Il est d’ailleurs bon de rappeler que l’hexagone est l’un des pays européens les plus avancés sur ce thème.

Trajet 2, le dimanche 6 juillet : des Yvelines (78) à la Tranche-sur-mer (85) sur l’A11 (435 km). Pour ce test, nous partons à deux avec la voiture lestée de quelques bagages. Le vent souffle légèrement de face, et il pleut un peu en début de trajet. L’A11 est réputé comme l’une des meilleures autoroutes pour la mobilité électrique, et cela se concrétise par des aires de recharge généralement pourvues de nombreuses bornes. On dit bien « généralement », car certaines stations feraient bien de revoir rapidement leurs ambitions à la hausse, comme l’illustre le cas des station Ionity de Villaines-la-Gonais, toutes occupées au moment de notre passage (mais sans voiture en attente) ou Parce-sur-Sarthe (idem) : les points de charge n’y sont pas assez nombreux, et il n’y a pas vraiment d’endroit où se garer en attendant qu’une borne se libère. On gagnera clairement à éviter ces aires un jour de très grand départ (samedi prochain, par exemple), pour se rabattre sur un autre particularisme de l’A11. On y trouve des bornes rapides sur certaines aires de repos (ex : le Pirmil, dans les deux sens, entre Le Mans et Angers), et celle-ci étaient justement désertes au moment de notre passage. Un choix bien plus judicieux pour la charge car l’ambiance est moins stressante que dans les stations-services. Autre solution, comme évoqué plus haut : viser une borne rapide située à quelques minutes d’une sortie d’autoroute, et celles-ci sont nombreuses. Le GPS de votre voiture ou une appli ad hoc pour smartphone vous aideront à les localiser.


Nous atteindrons notre destination vendéenne avec une consommation supérieure à la veille, de l’ordre de 19,4 kWh/100 km (soit +1 kWh/100km), et après deux arrêts-recharge. Le deuxième s’imposera en vertu de la règle consistant à ne charger la batterie qu’à 80% en cours de voyage.
En effet, et pour schématiser un peu, le passage de 80 à 100% est aussi long que celui permettant de passer de 20 à 80%. Si on fait un véritable « plein » d’électrons, on perd du temps et on bloque une borne inutilement. Mais cela signifie aussi, sur notre R5, que l’on mobilise alors seulement 41,6 kWh sur les 52 disponibles, soit l’équivalent de 200 km d’autonomie. C’est le moment de préciser que les 410 km mis en avant par Renault dans sa communication correspondent à la norme WLTP, qui simule un usage mixte urbain/extra-urbain mais pas un usage autoroutier comme aujourd’hui.

Après une nuit sur place (ça fait quand même long 950 km dans la journée, électrique ou non !) qui permettra de regonfler la batterie à 100%, le retour en Ile-de-France s’effectuera en solo avec un vent latéral parfois soutenu et une allure régulièrement calée aux alentours des 137 km/h correspondant à la marge de tolérance des radars. Résultat ? 20,8 kWh/100 km de moyenne sur le trajet, soit une autonomie réelle inférieure à 200 km...et un seul arrêt recharge, car j’ai choisi d’arriver à domicile avec une batterie presque vide. Et si je dois confesser une conduite assez peu électro-vertueuse durant ce retour, il y a une certaine satisfaction à titiller tous ces SUV diesel quand on se trouve au volant d’une citadine électrique qui, comme chacun sait, n’est pas du tout adaptée à la route avec sa petite batterie. Et gnagnagna.

Le bilan
Cet article aurait été plus croustillant si je vous avais décrit un départ en vacances en électrique s’apparentant à un véritable enfer sur roues, agrémenté de nombreux témoignages d’électromobilistes mécontents. Mais tout s’est bien passé, grâce peut-être à un trafic un peu inférieur aux attentes (on dénombrait malgré tout 500 km de bouchons samedi à 11 heures du matin). Mais il n’en demeure pas moins que nos autoroutes sont particulièrement bien garnies, avec des bornes à haut débit opérationnelles dans 100% des stations, auxquelles s’ajoutent donc quelques aires de service et, bien sûr, d’autres bornes ultra-rapides situées à quelques minutes d’une sortie.
On peut donc voyager sereinement en électrique en France aujourd’hui, même avec une citadine dont on ne peut que déplorer le tarif encore élevé (à partir de 31 490 € hors primes pour la gamme autonomie confort 52 kWh). Quant à la R5, elle s’est montrée une excellente compagne de route. Ses 150 ch autorisent accélérations franches et relances vigoureuses, à quoi s’ajoutent une bonne maîtrise des bruits aérodynamiques et des sièges confortables. Pour prendre l’autoroute 5-6 fois par an, elle remplira parfaitement sa mission. Certes, les plus de 200 à 230 km d’autonomie à 130 km/h dont elle se montre capable en plein été se réduiront plutôt à 150-170 km par temps froid, mais rien de rédhibitoire pour un week-end de temps en temps.
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