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La beauté des laides - Volvo 262C : la suédoise qui se voulait aussi grosse qu'un coupé américain

Dans Rétro / Autres actu rétro

Michel Holtz

Volvo a voulu concurrencer les grosses autos à deux portes américaines sans vraiment s'en donner les moyens. Résultat : cette 262C au style de guingois. Heureusement, l'honneur du Suédois est resté sauf, puisque c'est Bertone qui a été accusé du loupé, alors que l'Italien n'a fait que fabriquer l'auto mal-aimée.

La beauté des laides - Volvo 262C : la suédoise qui se voulait aussi grosse qu'un coupé américain

Méfions-nous des premiers de la classe, de ceux qui restent sagement dans le rang sans faire de vagues. Parfois ils craquent et sont capables de tout, y compris du pire. C'est le cas de Volvo dans les années soixante-dix. À cette époque déjà, le Suédois a la bonne réputation qu'il a encore aujourd'hui : celle d'une marque sérieuse, produisant des modèles sûrs, sans extravagance, sans sportivité exacerbée. Il fabrique des autos haut de gamme, mais pas des voitures de voyous, voyons. Un genre qui séduit les bobos de la planète alors même que le terme n'a pas encore été inventé.

Sur la côte Est des États-Unis notamment, ces "professions intellectuelles supérieures" roulent en Volvo. Mais à Göteborg, au siège du constructeur, on est plus ambitieux que cela. Être adulé des universitaires, éditeurs et journalistes, c'est bien, mais élargir sa clientèle, même à des couches de la société moins éduquées, mais tout aussi riches, c'est mieux, surtout pour les finances de l'entreprise.

Tu prends le volant, et je me cache dans le coffre. Comme ça, on ne me reconnaîtra pas dans cette voiture.
Tu prends le volant, et je me cache dans le coffre. Comme ça, on ne me reconnaîtra pas dans cette voiture.

En ces années-là, cette clientèle américaine visée jette son dévolu sur une auto locale : la Lincoln Continental, un grand coupé de la taille d'un paquebot. En Suède, on veut bien se lancer dans le genre m'as-tu-vu, mais sans dépenser un sou. C'est qu'en interne, quelques décideurs sont réticents à ce vent d'Amérique.

Alors, en 1974, paraît le coupé 262 et son service minimum : on garde tout l'attirail de la berline de la série 200, on lui enlève deux portes vite fait, en ajoutant des sièges en cuir et sous le capot, on greffe un V6, le fameux PRV choral (Peugeot-Renault-Volvo) qui vient d'être lancé. Mais personne n'est dupe. Surtout pas les clients. En deux ans, à peine plus de 2 600 exemplaires trouvent preneur des deux côtés de l'Atlantique. Il faut revoir la copie. Et rapidement.

Trois couronnes : le projet pas cher

Au bureau de style suédois, on cogite en secret sur un nouveau projet baptisé tre kronor (trois couronnes). Pourquoi ce nom de code ?  Serait-ce pour rappeler le peu de frais engagés dans l'affaire. La couronne étant la monnaie locale, et trois piécettes correspondant à trois centimes de nos euros, tout porte à le laisser croire...

On ne le saura jamais, mais après quelques mystérieuses réunions, l'idée qui décoiffe apparaît à tous. Il suffit de garder la base de la 262, mais on rabote le toit de 6 centimètres, façon hot rod, ces autos américaines tunées. Ledit toit sera en vynil, LE matériau en vogue à l'époque. Bien sûr, les parties vitrées seront spécifiques, et la calandre aussi. Tout comme l'intérieur, où il faut une débauche de luxe. Le reste sera strictement identique à la 262, y compris son V6. Comme ça, tout le monde est content chez Volvo : les modernes qui veulent réveiller la marque et les anciens qui souhaitent que rien ne change.

Luxe et boiseries pour un intérieur signé Bertone.
Luxe et boiseries pour un intérieur signé Bertone.

Le problème, c'est que cet entre-deux se voit. Lorsque la 262C (le nom donné à l'engin) parait, au salon de Genève 1977, les visiteurs tiquent. La lourde berline affublée de son petit toit et de ses petites vitres paraît totalement déséquilibrée. Et la presse d'accuser le carrossier italien Bertone du méfait. Chez Volvo, on laisse dire. Autant qu'un autre essuie les quolibets. Mais la prestigieuse maison transapline n'est strictement pour rien dans ce design incohérent. Elle s'est simplement chargée de la conception de l'intérieur (plutôt réussi) et les autos sont assemblées dans son usine.

Un gentil succès

Malgré la moue des professionnels qui découvrent l'engin, le public est quant à lui plutôt séduit. Certes, le coupé raté ne sera pas le best-seller absolu du Suédois, mais il se vend gentiment au fil des ans. Produit entre 1977 et 1981, il a même explosé les prévisions, certes modestes, que Volvo lui a fixées : 800 ventes par an. Tout au long de sa carrière qui durera 4 ans, 6 600 262c sortiront des usines Bertone. Pas mal pour un coupé vendu 102 000 francs de l'époque, soit un tarif comparable à une Mercedes 350SE, tout de même.

Deux décennies après avoir été la risée des pros et le chouchou de quelques clients aisés, la suédoise qui se voulait américaine est oubliée. Et pourtant, contrairement aux autos fabriquées outre-Atlantique, et qui n'ont jamais brillé par leur fiabilité, elle est costaude. À bord, il y a de la place à revendre, quant aux équipements, seule l'interface Car Play manque à l'appel pour être au goût du jour. Car elle a tout le reste : la clim, les sièges chauffants et, le must de l'époque, l'antenne d'autoradio électrique.

Le coupé 262C commence même à avoir une petite cote d'amour chez les collectionneurs, plus en tout cas que d'autres modèles de la même marque et de la même époque. Elle finit par connaître l'estime qu'elle n'a pas eue, 20 ans après sa disparition.

Finalement, lorsqu'elle est très peu éclairée, elle n'est pas si laide que ça.
Finalement, lorsqu'elle est très peu éclairée, elle n'est pas si laide que ça.

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