l'inconduisible Triumph TVR Speed 12
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - Les projets stoppés net par souci de rentabilité sont monnaie courante. En revanche, renoncer à fabriquer en série une auto parce qu’elle est trop puissante, c’est rarissime. C’est pourtant ce qui est arrivé à un ovni de Blackpool.

Les années 90 sont les années ou tout le monde s’emballe. Jusque-là, les supercars qui d’ici, et plutôt d’Italie, à là, et plutôt en Allemagne, étaient conçues de temps à autre et un peu au hasard, devienne une grande affaire. Tout le monde veut en produire, persuadé que les autos très chères et en tout petit nombre d’exemplaires sont le business model de demain.
A Blackpool en Angleterre, Peter Wheeler en est persuadé aussi. La McLaren F1 vient de paraître, et le patron de la petite maison TVR se dit qu’il peut en faire autant. En plus, il peut déjà savourer quelques succès comme la Griffith et la Chimaera qui ont propulsé sa marque dans le sérail des constructeurs reconnus, et l’ont sorti du petit artisanat de bricolage. Mais il a un rêve encore plus grand en cette année 1995 : une supercar qu’il veut engager en endurance pour l’image, mais qu’il souhaite surtout vendre pour un usage routier. L'idée de la Speed 12 est née.
Le petit veut se mesurer aux grands
Sauf que Tvr n’est pas Ferrari, Porsche ou même Mc Laren. Son département R&D n’a de département que le nom. Alors on fait comme on peut. Le moteur ? Deux six cylindres en ligne assemblés pour former un V12 de 7.7 l. Sa puissance ? Nul ne le sait précisément, puisqu’on manque de matériel de mesure suffisamment performant. Alors, à Blackpool, on teste les deux bancs de cylindres séparément pour obtenir 480 ch chacun et aboutir à 960 ch pour le tout. En vrai, les spécialistes affirmeront que l’auto ne dépasse pas 860 ch, ce qui est déjà fort conséquent. D'autant que la puissance est transmise aux seules roues arrière.
Côté châssis, on est fidèle au tubulaire maison, et l’on pose une carrosserie en carbone sur le tout. Et pour que ce tout ne s’envole pas, on lui colle un bon gros aileron pour la piste et simplement quelques appendices aérodynamiques pour la route.

En 1998, la bête de moins de 1000 kg est prête, et engagée en GT. Évidemment, face aux grandes marques elle ne fait pas le poids. Mais Wheeler n’en démord pas et deux ans plus tard il revient avec une version améliorée, toujours en compétition, et toujours avec la volonté farouche de la vendre en version civile. Il a même fixé le prix : 250 000 livres, environ 300 000 euros d’aujourd’hui, ce qui n’est pas excessif pour un monstre pareil.
Ses services obtempèrent, fabriquent un exemplaire de série pour l’homologation, tout en réduisant, un peu, la puissance de la bête. Elle ne développe plus que 675 ch en cette année 2 000, mais elle pèse toujours moins d’une tonne.
Un petit tour et puis s'en va
Peter Wheeler est ravi, d’autant que les premiers clients ont déjà signé un chèque d’acompte. Mais voilà qu’un soir, il décide d’emprunter l’unique Speed 12 existante pour effectuer le court trajet entre l’usine et son domicile. C’est l’automne, c’est l’Angleterre et la route est grasse.
Lorsqu’il revient le lendemain, il est blanc comme un linge. Selon lui, qui a pourtant conduit un nombre incommensurable de sportives délicates, la 12 est proprement inconduisible. Ultra-difficile sur le sec, elle est impossible sur le mouillé. Alors, devant ses ingénieurs médusés, il décide de tout arrêter. La Speed 12 ne sera jamais vendue de série. Il rembourse les premiers acheteurs et stoppe le projet net.
Mais Wheeler est un chef d’entreprise. Alors, quelques années plus tard il vendra la seule auto homologuée. Mais avant de donner les clés à son acheteur, il lui fera personnellement passer un entretien et un test, pour vérifier qu’il est capable de mener l’engin. Businessman, mais pas irresponsable.
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