Interdiction des voitures thermiques : Londres fait volte-face
Plus royaliste que le roi, et plus européen que l'Europe qu'il a quitté, le Royaume-Uni avait mis en place l'interdiction des moteurs non hybrides dès 2030, et tous les thermiques en 2035. Mais le premier ministre Rishi Sunak est en train de faire machine arrière, tout en tentant de faire progresser les ventes de voitures électriques. Pas simple.
Organiser des fêtes au 10 Downing street pendant le confinement, ce qui lui a coûté son poste, n’a pas empêché Boris Johnson de nourrir une fibre écologique. Aussi, l’ex premier ministre britannique a-t-il tenu à ce que son pays soit en avance sur toutes les autres nations du continent hormis la Norvège. En 2020, il a ainsi décrété que toute voiture neuve vendue dans le Royaume à partir de 2030 devrait être impérativement hybride ou électrique, avant de devenir totalement électrique en 2035, comme dans l’UE.
Des ventes au plus bas
Depuis lors, le tollé est général, d’autant que les ventes d’autos ont atteint l’an passé leur niveau le plus bas depuis 30 ans, avec à peine plus de 1,6 million d’unités, alors que le pays était, au long des années 2000, l’un des meilleurs clients européens de l’industrie automobile, avec des pics à 2,4 millions d’exemplaires.
Rishi Sunak, le premier ministre actuel a-t-il entendu la colère industrielle ? Toujours est-il qu’il n’a pas confirmé que l’interdiction serait effective, louvoyant devant le Parlement, se disant toujours partant vers « une progression vers le zéro émissions », tout en modérant ses propos, et en expliquant qu’il défendait le peuple britannique «parce que je suis conscient que nous vivons une période où l'inflation est élevée. ». Une inflation plus forte que dans l’Union. Du coup, Sunak refuse que toute nouvelle loi législative (comme l’interdiction du thermique) ait « un impact injuste sur le public ».
Mais pourquoi, dans ce cas, le locataire du 10 Downing street est-il si évasif sur le futur de cette loi ? Pourquoi évoque-t-il toujours la progression « vers nos ambitions en matière d'émissions nettes », alors que selon les spécialistes, relayés par la presse anglaise, le sort de l’interdiction est déjà scellé et que, passé 2030, les Anglais pourront continuer à rouler en thermique ?
Car en bon politique, il sait ménager la chèvre et le chou. L’industrie automobile britannique est moribonde. 78 % des autos vendues dans le Royaume sont importées. Les marques locales ne sont plus que des entreprises confidentielles (Lotus, Aston Martin) et le fleuron du pays, le fournisseur officiel de her majesty, Jaguar Land Rover, est aujourd’hui détenu par l’ex colonisé indien Tata.
Tata investit 4,6 milliards d'euros dans une gigafactory
Un géant qui, justement, vient de faire une promesse au gouvernement britannique : celle d’investir 4 milliards de livres sterling (environ 4,6 milliards d’euros) dans le Sommerset. Une somme, et les emplois qu’elle suppose, qui ne peuvent laisser Sunak indifférent. Il voit également les chiffres de diffusion des voitures électriques progresser rapidement dans un pays ou les ventes aux entreprises sont une spécialité nationale, car ce sont elles qui achètent les autos à watts. Au second semestre 2022, elles ont atteint 33 % des ventes totales, encore un record.
Alors le gouvernement ménage la chèvre et le chou en sachant pertinement que les conditions fiscales avantageuses qu’offre son pays aux entreprises pourraient bien attirer d’autres investisseurs, surtout si l’Angleterre devient la patrie de l’électrique comme la Norvège l’est déjà. Mais il doit aussi, en parallèle, soigner ses électeurs qui ont déjà fort à faire avec l’inflation, et voient que les autos électriques ne leur sont, la plupart du camp, pas accessibles à titre personnel, et que tous ne roulent pas en voiture de fonction.
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