Enquête sur la face cachée du covoiturage
Dans "BlaBlaCar et son monde", Fabien Ginisty s’intéresse à la success story de la plateforme de covoiturage. Un regard amer et mordant sur l’écosystème BlaBlaCar.
Quand on parle covoiturage, on pense illico BlaBlaCar. Avec 100 millions d’abonnés, le leader européen de la mise en relation conducteurs-passagers fonctionne en quasi-monopole sur son secteur. À l’image de Uber ou de Airbnb, BlaBlaCar a su au fil du temps, éradiquer (racheter) la concurrence pour devenir incontournable sur le credo du covoiturage. L’auteur s’interroge : la société ne bénéficie-t-elle pas ainsi d’une « rente de position dominante ? » Et de pointer l’opacité comptable (l’auteur indique que la société ne publie plus ses comptes depuis 2009) et la domiciliation fiscale (« Luxembourg, Delaware, Jersey : où se cachent les capitalistes ? ») des différentes sociétés actionnaires de Comuto, l’entreprise propriétaire de BlaBlaCar. L’auteur s’interroge également sur le montant (tenu secret) des commissions perçues par la plateforme sur chaque transaction réalisée. Mais au-delà des chiffres, le questionnement porte sur toute la philosophie et la finalité de l’entreprise.
Société de transport déguisée ?
« Comuto, l’entreprise propriétaire de BlaBlaCar, est enregistrée au greffe du tribunal de commerce dans la catégorie traitement des données, hébergement et activités connexes ». Rien à voir a priori avec le transport de passagers. Et pourtant ! Fabien Ginisty pointe le flou dans lequel BlaBlaCar serait une entreprise de transport sans en avoir le statut. Avec la plateforme, « la prestation de transport est externalisée. » Plus de salariés, plus de chauffeurs… Avec l’autorisation inscrite dans la Loi LOM, de pouvoir subventionner des particuliers pour covoiturer de façon onéreuse, le distinguo entre covoiturage et prestation de transport est bien mince. Pour l’auteur, BlaBlaCar est « un transporteur » sans aucun chauffeur, ni véhicule à charge. « Les conducteurs ne sont pas les clients de BlaBlaCar, ils sont les produits que vend BlaBlaCar à ses seuls clients : les passagers. »
Le covoiturage un écogeste ?
Covoiturer ne serait pas si bon pour la planète, sinon, à la marge. Fabien Ginisty appuie son argumentaire sur une étude de l’ADEME publiée en 2015. Celle-ci montre le faible impact du covoiturage sur l’environnement. « D’après les auteurs de l’étude : le cas idéal, celui du passager qui laisse sa voiture au garage pour covoiturer concerne moins d’un passager sur 5 (16 %). La plupart des passagers délaissent en effet non pas leur voiture, mais le train au profit du covoiturage (69 %). » Et de souligner « qu’un conducteur sur 3 n’aurait pas pris de voiture s’il n’avait pas trouvé de passager. » In fine le covoiturage encouragerait la circulation automobile. Et BlaBlaCar serait « un lobbyiste de la bagnole ».
«Blablacar et son monde», Fabien Ginisty, une coédition Le passager clandestin‑L’âge de fer, avril 2024, 224 pages, 16 €.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération