Continental sur la route du VRAI pneu vert
Continental a ouvert les portes de son usine pilote en matière de développement durable à Lousado au Portugal. Visite au cœur du futur plan de développement du manufacturier allemand.
Un chuintement continu enveloppe le sas d’entrée.
La porte passée, les cliquetis de la ruche métallique assaillent les tympans. Tapis roulants et bras mécaniques jouent une inénarrable symphonie. Ça grince, pince, claque. Le tempo va allegro. L’odeur « douce-âcre » de marshmallow caoutchouteux et de résine tiède sature l’atmosphère. Autour des 52 lignes de machines-outils, les ouvriers s’affairent en un ballet cadencé, maintes fois répété. Le corps et l’esprit semblent - par une analogie bancroche - tout entiers se (con)fondre dans l’usine Tricadel de l’Aile ou la cuisse. Mais ici pas de Coluche, ni de Louis de Funès.
À la plaisanterie cède l’ingénierie. Dans l’usine Continental de Lousado (Portugal) règne une ambiance studieuse, rigoureuse, méticuleuse. La fabrication pneumatique relève de la haute technicité, même si le profane y voit une drôle de tambouille. D’une bouillie liquide (caoutchouc et silicate) chauffée à 110° C, la machine recrache un long ruban mou, couleur ébène. La matrice du pneu. S’ensuit un long process de taille et d’assemblage de couches et de matières pour définir la carcasse. Puis vient le temps du moulage, dans une cuve à vapeur sous 20 bars de pression pour que le pneu prenne sa forme et sa texture définitives. Le même menu s’applique à l’ensemble des 19 millions de pneus qui sortent chaque année du plus prolifique et du plus gigantesque (410 000 m²) site de la sphère Continental. Sur l’équivalent de 104 terrains de foot, le manufacturier allemand déploie son « vert » avenir sur fond de neutralité carbone.
Production zéro CO2
Usine pilote en matière de production durable, le complexe industriel portugais sert de laboratoire pour le futur de l’ensemble des 20 sites de production Continental dans le monde. Sur les 6 entités européennes du manufacturier, l’usine portugaise est la seule à bénéficier de la certification internationale de durabilité et de carbone (ISCC) PLUS. Ce label distingue une « production pneumatique réalisée à partir d’électricité renouvelable que nous achetons en grande majorité », déclare Pedro Carreira, directeur de l'usine. Aujourd’hui le site produit 1 % de l’énergie utilisée. L’ambition est de mettre en place 130 000 m² de panneaux photovoltaïques afin de produire sa propre électricité (soit environ 27 300 000 kWh / an). L'utilisation de matériaux durables, la réduction de la consommation d'eau et d'énergie, tout ici tend à minimiser l’impact sur l’environnement. Il y a même un purificateur d’air (HBS Pureti Technology) dont l’efficacité équivaudrait « à une forêt de 100 000 arbres. » Il faut dire que pour les besoins de son expansion, le bâti (40 500 m² en 1990 vs 315 000 m² en 2023) a largement empiété sur le végétal. Afin de répondre à l’élargissement des lieux sans amputer son bilan carbone Continental doit compenser son taux d’émissions. En la matière, une étape a été franchie. Toutes les usines du manufacturier devront être neutres en carbone d’ici à 2040.
Pneu écoresponsable
Mais Lousado est également une usine à part dans la galaxie Continental. C’est l’unique site de production du nouveau pneu UltraContact NXT. Une gomme durable composée à 65 % de matériaux recyclés et renouvelables : silice de cendres de riz, résines bios, bouteilles et caoutchouc recyclés… Le but est que d’ici à 2050 ces pneus « soient entièrement durables sur l’ensemble de la chaîne de production. » C’est-à-dire dans leur composition, mais aussi dans la façon de les manufacturer.
Mais pas uniquement ! Continental souligne « la nécessité de prendre en compte la durabilité dans toutes les phases de la vie du pneu, depuis sa fabrication (matériaux et processus industriels) jusqu'à sa phase d'utilisation et sa fin de cycle de vie. » À l’usage, ces nouveaux pneus doivent faire preuve de sobriété. Émettre moins de particules fines, permettre de réduire les consommations de carburant des véhicules de l’ordre de 10 % à 15 % en moyenne et disposer d’une durabilité d’usage accrue sont des buts essentiels. Pour cela, le fabriquant allemand, comme l’ensemble des grands manufacturiers, s’efforce de réduire la résistance au roulement de leurs nouvelles gommes, sans hypothéquer leur qualité, afin qu’ils consomment moins d’énergie. Notamment en ce qui concerne les SUV et les véhicules électriques. Lourds et coupleux, sur la route ces véhicules s’avèrent « gloutons en gomme ». Voilà pourquoi les fabricants cherchent systématiquement à réduire la masse de leurs pneus en abaissant la quantité de matière première ou en remplaçant la structure métallique par des fibres naturelles et synthétiques plus légères.
Ils s’appellent « EcoContact » chez Continental, « Green X » chez Michelin, « Green Performance » chez Pirelli ou encore « Ecopia » du côté de Bridgestone. En attendant, tous cherchent la martingale qui leur permettrait de faire le pneu vert « parfait » : Eco conçue, durable, économe à l’usage et silencieux. Et surtout rentable.
Car comme pour les constructeurs automobiles, les manufacturiers doivent faire face à une concurrence asiatique accrue de plus en plus référencée en première monte constructeurs. Les parts de marché s’arrachent avec les dents. Dans ce contexte difficile, fin 2023, Continental annonçait une cure d’austérité (7 150 suppressions d’emplois d'ici 2025). Comme tous les acteurs traditionnels, le manufacturier allemand doit faire montre d’innovation technologique et monter en gamme pour conserver la main.
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