Découverte : Lancia Fulvia F&M Spécial 1969.1

J'ai fouillé ma mémoire mais je n'ai trouvé aucune trace. J'ai cherché sa cote. En vain. C'est une certitude, la Lancia Fulvia F&M Special est rare. Extrêmement rare même. Et en premier lieu, elle intrigue.

Dénichée dans un garage, cette auto est une question sur roues. Dès mon premier regard, cela n'a pas cessé. Qu'est ce que c'est ? D'où ça vient ? Et ça a fait quoi ? On peut aller faire des photos ?

Cheminement classique pour moi. Quand j'étais plus jeune, je faisais pareil avec les filles, maintenant que je me fais vieux (quelqu'un a dit moche ?), j'ai trouvé un palliatif : les autos rares.

Hâtif Descriptif

Tout d'abord, il faut décrire l'engin pour comprendre. Lorsque je l'ai aperçue, elle était au chaud sous une bâche et laissait entrevoir un bout de calandre. J'aime beaucoup les Lancia Fulvia, aussi ça a fait mouche. Sauf qu'il y a avait un problème : l'auto ne dépassait pas les 1 m de haut sous sa couverture. Intrigué, j'en viens aux questions et rapidement Patrick Léoni, le propriétaire, lève la bâche et quelques interrogations.

Je suis tout d'abord rassuré, ce n'est pas un délire de « Leatherface automobile » qui se serait attaqué sans vergogne à un coupé mythique puisque l'auto est flambante et sort de restauration. Je tourne autour et l'absence complète de pavillon est troublante. De profil, la rectitude de la ceinture de caisse est d'une rigueur absolue, c'est une flèche, une invitation à aller de l'avant.

Mais autre chose gratouille l'oeil. Si les « oreilles » traditionnelles du postérieur de la Fulvia sont bien là, il y a tout de même du changement. Les ancrages des ressorts à lame font saillie à l'arrière, ce qui n'est bien sûr pas le cas sur le coupé. L'évidence vous colle alors violemment la main sur le front : l'auto n'a pas seulement été tronçonnée longitudinalement mais aussi transversalement !

J'ai donc sous les yeux une Lancia Fulvia 1600 HF rouge vif à laquelle on a retiré le pavillon entier mais aussi 28 cm de postérieur. Une mini-barquette au regard de Lancia avec son saute-vent et un 1600 HF sous le capot, en somme.

F&M, les créateurs

L'auto est une « F&M Spécial ». Fiorio et Maglioli. Je ne vous ferai pas ici le pedigree complet de Cesare Fiorio que vous connaissez sans doute pour avoir été directeur sportif illustre que ce soit chez Lancia puis Fiat en Rallye ou chez Ferrari en F1.

Claudio Maglioli était pilote d'essai chez Lancia dans les années 60 et également préparateur indépendant sur les autos qu'il testait et qu'il connaissait forcément! Dès 1971 il se concentrera sur le développement technique des futures Lancia de course et sera dans tous les bons coups de la marque italienne. De la Stratos à la Montecarlo Gr5 en passant par la Beta HF ou les protos d'endurance du Groupe C, son nom apparaîtra à chaque fois. Il restera lié à Lancia jusqu'en 1988 où les dirigeants supprimeront la Squadra Corse officielle.

L'idée de départ de cette Fulvia étêtée vient de lui. En 1969, dans l'avion qui le ramène des USA où il a disputé les 24h de Daytona et les 12h de Sebring sur une Lancia Fulvia HF Zagato, Claudio Maglioli ne cesse de se rappeler l'étuve qu'était le cockpit de son auto durant toute la course. Certain que ces conditions d'inconfort sur une épreuve aussi longue gênaient le pilotage, il rêve alors d'une barquette sans toit du gabarit de sa Fulvia. Allégée «où il faut », son comportement serait encore plus dynamique ce qui la rendrait idéale sur les grandes courses routières de l'époque.

A son retour, il transmet ses réflexions au patron de la compétition Cesare Fiorio qui s'enthousiasme pour l'idée et convainc sa hiérarchie. Une Fulvia Coupé est donc livrée dans les ateliers personnels de Claudio Maglioli qui va sortir la trancheuse. La première F&M vient de naître.

Au total, 2 autos seront construites plus une autre de réserve. Nous sommes en 1969 et les voitures seront engagées en course avec quelques sommités futures ou déjà reconnues puisque, outre Maglioli lui même, Sandro Munari, Lele Pinto et Rauno Aaltonen se partageront le volant.

à suivre en deuxième partie