Huit jours en Caterham R300 Superlight, c'est le rêve de beaucoup. Mais peut-on utiliser cette baignoire à réaction comme véhicule quotidien, en ville, sur routes et autoroutes et par tous les temps ? C'est la question ô combien capitale à laquelle nous avons tenté de répondre.
Jour 1
Elle est là, tapie dans un coin sombre du parking. Malgré l'envie dévorante d'en prendre le volant sans attendre, il convient tout de même d'en faire d'abord un respectueux premier tour. Difficile de ne pas saliver devant les ailes avant en fibre de carbone, l'échappement latéral débouchant côté passager ou les nombreuses aérations embouties dans le capot moteur. Les présentations sommaires faites, il est plus que temps de prendre place dans le siège conducteur.
On sait qu'une Caterham, ce n'est pas très large. Je veux dire, ça fait partie de la culture générale du premier amateur de voiture venu. En fait, ça l'est encore moins. D'accord, j'admets que je ne suis pas le plus fluet des bonhommes, mais l'expression « rentrer au chausse-pied » prend ici tout son sens, le rôle du chausse-pied étant joué ici par le dossier du baquet. On peut s'aider de l'arceau, mais ce n'est pas conseiller de s'accrocher à la frêle structure du pare-brise en option. Une fois installé, vous sentez quelque chose de désagréable sous votre fesse droite. Oui, c'est la boucle du harnais. Non, à moins d'arracher une partie de votre pantalon et un bout de cuisse, vous ne pouvez la récupérer sans ressortir. Profitez-en au passage pour enlever les portes (qui se dégondent de façon tout à fait classique), puisqu'à moins de vous amputer du bras gauche (et en limant le moignon), je ne vois pas comment elles pourraient se refermer. Dites adieu aux rétroviseurs latéraux solidaires par la même occasion et à la place passager parce qu'il faut bien les mettre quelque part, ces portes.
Fermement contenu par le baquet en kevlar amoureux et le harnais affectueux, il est maintenant temps de s'intéresser au tableau de bord, une simple plaque de fibre de carbone percée du tachymètre et du compte-tours timides se cachant derrière le volant pourtant minuscule d'un côté, de la pression d'huile, température d'eau et jauge à essence de l'autre, le tout séparé par quelques boutons, dont le très évocateur Start. À ce sujet, j'espère qu'avant de monter vous avez pris le temps de brancher le coupe-circuit et que vous ne l'avez pas laissé dans votre poche, sinon vous êtes bon pour vous « accoucher » de nouveau. Pas de clés dans une R300, juste un antidémarrage qu'il faut vaguement poser dans un réceptacle prévu à cet effet devant le changement de vitesse.
Un bref tour de starter, et le moteur démarre. Enfin, il entre en éruption plutôt. Visé par l'échappement latéral, le Renault Espace hautain à côté manifeste son mécontentement en tenter de couvrir le bruit avec son alarme. L'optimiste naïf.
Loin, très loin devant, on « goûte » le pédalier en tâtonnant du pied et instantanément, on se dit que la « skate shoe » est l'outil de choix pour faire un talon pointe de l'embrayage jusqu'à l'accélérateur et on promet de ne plus jamais se moquer des apprentis pilotes en fines bottines rouges à semelle de crêpe. Il faut aller chercher le pommeau de boîte de vitesse dans le soufflet et, sans surprise, le maniement est ferme et la course très courte, à l'image de l'embrayage. Première enclenchée, on nourrit un peu l'accélérateur et la Cat' encore froide décolle en hoquetant. Difficile de résister à l'envie d'essayer de passer sous la barrière du parking.
Et nous voilà lâchés dans la nature. Ou plutôt dans le trafic parisien. Soudainement, en passant en dessous des rétroviseurs des autres voitures et pile à la hauteur de l'échappement des SUV, on commence à trouver moins fallacieux l'argument des motards selon lequel leur échappement modifié est un organe de sécurité. Parce que plutôt que d'aller chercher le klaxon au tableau de bord, il est bien plus rapide et efficace de faire prendre quelques tours au 2,0 l à hautes compressions hyperactif qui se charge de rappeler rageusement à l'ordre l'automobiliste distrait. Coincée dans les embouteillages, la mécanique arrive à température. Celle du moteur semble stabilisée à un niveau acceptable, mais le tunnel de transmission commence à cuire la jambe droite. Pas besoin de chauffage dans une Caterham. On apprend aussi vite à se placer toujours sur la file la plus à gauche, pour rester le plus loin des échappements des camions débouchant au niveau de mon front.
Premier au feu rouge face à une large avenue enfin dégagée, entouré de scooters et de motos. La maturité du trentenaire, les multiples rencontres avec Chantal Perrichon, les statistiques de la Sécurité Routière, tout s'envole en une seconde. Vert, la R300 démarre en léger crabe, une deuxième et une troisième passées à mi-régime suffisent à mettre le peloton loin dans le rétroviseur. Le pare-brise a très vite montré ses limites, même à des vitesses parfaitement légales, laissant passer de part et d’autre d'imposants flots d'air et quelques graviers, rendant obligatoire le port de lunettes de soleil. Frein moteur pétaradant jusqu'à la prochaine intersection, pour remonter ensuite le boulevard orienté plein est qui contourne notre immeuble. En l'absence de pare-soleil, il convient de se servir de sa main pour barrer la lumière éblouissante, une technique que m'a apprise Ari Vatanen lui-même dans sa 405 T16 à Pikes Peak (par vidéo interposée), avant de finalement arriver à l'entrée de notre parking souterrain.
Les pauses se succèdent entre deux moments de travail et la journée passe vite, l'heure est venue de remonter dans la Cat. Avec un peu d'expérience, j'arrive maintenant à monter sans rien oublier, il suffit juste de prendre le temps de bien déployer chaque partie du harnais et surtout de tenir la boucle rouge pour qu'elle ne retombe pas sur l'assise quand vous tentez d'insérer votre séant. Faites-moi confiance, ça vous arrivera une fois, et la douleur fera que vous n'oublierez plus jamais ensuite. Le meilleur exercice pour s'entraîner, c'est d'avoir à passer une carte magnétique pour ouvrir la porte du parking, ce qui nécessite de sortir de la voiture, mais surtout d'y retourner suffisamment vite avant que la guillotine mécanique ne se referme.
Une fois à l'air libre, nous sommes à Paris avec des voies sur berge fermées, ce qui veut dire bouchons sans fin, surtout quand on avait oublié ce désormais célèbre changement estival. L'occasion de constater définitivement qu'une R300 maîtrise parfaitement sa température moteur, l'aiguille oscillant entre 90 et 100° (ce qui doit correspondre aussi à la température du tunnel de transmission qui me brûle le genou), mais surtout qu'elle permet de faire des rencontres. Oubliez tout de suite la Fiat 500 ou la Mini Cabriolet, la Cat, c'est LE piège à garçon ultime, avec l'option motard levant le pouce et routier klaxonnant. L'exercice citadin révèle cependant que l'embrayage ferme habituellement devient finalement bien dur dans ces conditions extrêmes, vos doigts de pied fatiguant plus que votre mollet, et que la première nécessite parfois une seconde tentative pour arriver à être rentrée.
Quelques longues minutes (ou heures ?) plus tard, me voilà arrivé à destination. Et là, coup de folie, je me lance dans l'érection de la capote, histoire de ne pas découvrir son maniement sous la première averse. Alors, ce n'est pas que c'est compliqué, il suffit juste de déployer deux arceaux, de lancer la capote par dessus et de fixer le tout avec des boutons pression, mais c'est long et difficile. Long parce qu'il y a une vingtaine de boutons pression tout autour de la voiture, et difficile parce qu'il faut tendre la capote suffisamment pour tous les atteindre. Et dangereux aussi un peu, parce que, lors de vos multiples tours de la voiture pour y parvenir, je ne vous conseille pas de frôler l'échappement amoureusement réchauffé dans les embouteillages avec votre mollet dodu. Sans parler du fait que, au sujet de l'efficacité de l'ensemble à maintenir hors de l'habitacle les gouttes de pluie, je demande à voir. Et conduire à travers le mini pare-brise embué, là aussi je demande à voir, littéralement. Bilan de ma première tentative après exactement 16 minutes de lutte : je suis parvenu à mettre tous les boutons, sauf celui tout en haut à gauche du pare-brise, qui est probablement le plus important pour me tenir au sec. La Quechua peut dormir sur ses deux oreilles.
Épisodes suivants :
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 2, Paris s'éveille
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 3, la campagne, ça vous gagne
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 4, direction le Nürburgring
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 5, soufflons un peu
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 6, au cœur de l'Enfer Vert
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 7, direction Folembray
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 8, il est temps de se dire adieu
Vidéo - Caterham R300 Superlight au quotidien : à l'assaut du Nürburgring
Twitter : @PierreDdeG
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