80 km/h : "Traquez les erreurs sur les procès-verbaux !"
Nombre d'entre nous s'inquiètent pour les points de leur permis à l'heure de l'instauration des 80 km/h sur le réseau secondaire. Voici les réponses de Me Caroline Tichit, spécialiste en droit routier.
Inutile de tergiverser : ce n'est pas parce que la limitation de vitesse est abaissée à 80 km/h qu'il y aura davantage matière à contestation ! Si un excès de vitesse devait être relevé à votre encontre, soit après une interpellation, soit via les radars automatiques, seule l'éventuelle présence d'un panneau "90" oublié pourrait vous donner des arguments solides pour contester cet abaissement de la vitesse. D'ailleurs Emmanuel Barbe, le délégué à la Sécurité routière, l'a rappelé à plusieurs reprises dans les médias : dans un tel cas de figure, "le PV serait bien sûr annulé" !
Pour ce qui est des deux recours en annulation déposés – par l'Automobile Club des Avocats (ACDA) et la ligue de défense des conducteurs (LDC) - devant le Conseil d'État et visant à faire annuler le décret du 15 juin, lequel encadre ce passage à 80 km/h, nous aurons peut-être la chance d'avoir les premiers éléments de réponse avant la fin de ce mois de juillet. Après nous avoir répondu qu'il n'y aurait "pas d'audience avant la fin de l'année", la plus haute juridiction de l'ordre administratif en France s'est apparemment souvenue que des référés avaient bel et bien été déposés, et donc qu'une première audience se tiendrait le… 19 juillet !
Concrètement, que faut-il attendre de cette première audience en référé ? "Sans préjuger de ce qui se décidera pour finir au fond, dans plusieurs mois en effet, le Conseil d'État pourrait, sous 48 heures ou à peine plus, décider de suspendre le décret du 15 juin", nous éclaire Caroline Tichit, avocate spécialiste en droit routier, ce qui reviendrait en clair à suspendre le 80 km/h ! C'est dire si cette première étape est d'importance.
Reste sinon les autres pistes à exploiter, si vous n'êtes pas d'accord avec une telle verbalisation… Caradisiac fait le point avec Me Tichit.
Dans le cas où un panneau à 90 aurait été "oublié", que faire ?
Le mieux serait que vous soyez alors arrêté ! Car vous sauriez tout de suite que vous avez fait l'objet d'une verbalisation erronée. Méfiez-vous du lieu de l'infraction précisé sur le PV. Le panneau litigieux doit être placé en amont, c'est-à-dire avant ce lieu de l'infraction dans le sens de votre circulation. Et si tel est le cas, le mieux, pour que cet argument soit opposable en justice, c'est de le faire constater par huissier, ce qui nécessite une dépense de quelques centaines d'euros.
Au minimum, prenez des photos. Et n'hésitez pas à interpeller par mail les gestionnaires du réseau – le conseil départemental par exemple si c'est une départementale, la préfecture si c'est une route nationale – afin de leur demander des explications. Dans leur réponse, ils pourraient confirmer que ce panneau avait été oublié… N'oubliez jamais en effet qu'un PV fait "foi jusqu'à preuve contraire" et que cette "preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins", selon l'article 537 du code de Procédure pénale (). En clair, tout ce que vous pouvez rassembler comme éléments de preuve peut vous profiter. Et tous ces éléments sont alors à joindre à votre réclamation. Toute la procédure est indiquée sur l'avis de contravention remis en mains propres ou reçu par La Poste. Suivez scrupuleusement toutes les prescriptions, en particulier respectez les délais.
Une fois votre PV contesté comme il faut, deux solutions : soit il sera classé sans suite (ce qui veut dire que vous avez d'entrée de jeu gagné, et que vous n'en entendrez plus parler), soit vous serez cité à comparaître devant le tribunal compétent, et c'est le juge qui décidera en fonction de la solidité de vos arguments de vous relaxer ou de vous condamner.
Dans le cas où il n'y aurait pas de panneau du tout, la Sécurité routière n'a pas arrêté de dire que ce n'était pas un problème, que "nul n'est censé ignoré la loi", et que chacun devait, à compter du 1er juillet, savoir que sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central (et à une seule voie), la limitation en vigueur était de 80… Est-ce que c'est vrai ?
Dans le principe, oui. Mais cela n'empêche pas d'éventuelles erreurs sur les procès-verbaux…
Quelles sont ces éventuelles erreurs à pister sur les PV ?
Le PV doit être correctement renseigné et surtout ne contenir aucune erreur. Toutes les mentions sont donc à vérifier. Mais les points sur lesquels il faut tout particulièrement faire attention, dans un premier temps, sur l'avis de contravention, sont : le lieu de l'infraction qui ne doit souffrir d'aucune imprécision (point routier/point kilométrique/numéro de voie…) et la date de la dernière vérification du radar (elle doit dater de moins d'un an).
La très forte majorité des PV pour excès de vitesse (95 %) est issue du contrôle automatisé. Est-ce que ça change quelque chose par rapport à une interpellation ?
Ça change tout !
Car si le PV que l'on souhaite contester fait suite à un flash d'un radar automatique, dans la procédure, il n'y a pas de preuve de l'identité du conducteur, c'est bien cela ?
Généralement, oui. Même les photos prises par l'avant par les radars ne permettent que rarement de voir qui conduisait en effet. Et dans le cas où la personne destinataire de l'avis de contravention souhaite contester, sa meilleure défense consiste alors souvent à ne pas reconnaître avoir commis cette infraction, quand bien même elle n'a aucune preuve de son innocence, et quand bien même elle aurait éventuellement d'autres arguments à faire valoir, comme un problème sur le lieu de l'infraction.
Quand le propriétaire d'un véhicule flashé se limite alors à ne pas reconnaître cette infraction, il ne peut qu'être relaxé par le tribunal. Il reste ce que l'on appelle "redevable pécuniairement", ce qui veut dire qu'il écope d'une amende, souvent élevée au tribunal, de l'ordre de 200 euros pour un excès de vitesse de moins de 20 km/h. Mais, en n'étant pas reconnu coupable, il échappe au retrait de point(s) sur son permis de conduire.
Et s'il a d'autres arguments valables, et surtout des preuves de son innocence ?
Dans ces conditions, il peut être relaxé complètement ! Il n'aura ni amende, ni retrait de point(s). Il ne faut pas oublier que, dans le cadre de ces verbalisations sans arrestation, seule une présomption simple de culpabilité pèse sur le propriétaire. Un seul témoignage, même de son conjoint, peut alors suffire à le disculper !
Et qu'en est-il des tiers que les propriétaires désignent ou de ces salariés que les patrons sont théoriquement tenus de dénoncer depuis le 1er janvier 2017 ?
Ah, dans ces cas-là, il n'y a même plus de preuve à rapporter pour être entièrement relaxé ! Cela vaut pour n'importe quelle personne désignée, non titulaire du certificat d'immatriculation. Si cette dernière ne reconnaît pas l'infraction, elle ne peut être qu'entièrement relaxée (ni amende, ni retrait de point) par le tribunal.
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